Petit bijou néo-noir, la réalisation de Melville tout en douceur fait de ce film une sacrée leçon de cinéma. Notre protagoniste mutique incarné par un Alain Delon aussi froid et charismatique qu'une aurore boréale fait passer toute l'intensité de ses actions par ses jeux de regard qui sont filmés avec brio. Montrez, ne racontez pas.
Pour autant, Melville n'est pas avare de dialogues, et il sait les écrire. Des personnages plus verbeux - comme le commissaire certain de la culpabilité de notre héros – sont à l'origine de dialogues à l'intensité narrative forte. Je retiens notamment la scène où il interroge l'alibi du tueur pour la seconde fois, entre manipulation et intimidation. Le jeu de pouvoir qui se joue alors entre les deux personnages est captivant, et l'on sent qu'il s'agit autant de montrer à l'autre qu'il ne fait pas peur que de ne pas perdre l'équilibre.
Mais des bons dialogues et une bonne réalisation ne sont rien sans de bons acteurs, et on est servis également : Alain Delon donc, mais aussi François Périer en inquiétant commissaire et, une découverte pour moi, la pianiste jazz incarnée par Cathy Rosier. C'est assez rare de voir des actrices noires tenir des rôles de telle importance dans des productions françaises de l'époque.
Parlons en d'ailleurs de l'époque. Voilà un film qui a parfaitement bien vieilli. Sans connaître la date, en me référant au grain et à la qualité de la réalisation, j'aurais facilement pu le placer une petite dizaine d'années plus tard...
Bref, une énième preuve (et l'une des meilleures) qu'on a pas besoin d'un scénario très complexe pour faire un excellent film. J'ai hâte de me plonger dans l'Armée des Ombres (et ces titres, putain ces titres!)...