Connaissant parfaitement les limites de l’humour à base de traduction littérale, souvent très drôle mais au registre relativement répétitif (par exemple http://www.pardon-my-french.fr/), je ne peux m’empêcher, puisque c’est de Scotland Yard dont il va s’agir ici, d’imaginer le nom du principal service de police anglais si son équivalent existait en France. Comment l’appellerions-nous ? Le mètre breton ? Le décimètre basque ? Le kilomètre savoyard ?
Bref.
Voici un Ford absolument atypique, si cette appellation pouvait vouloir dire quelque chose, car au fond, existe-t-il un Ford classique ? En 1958, l’ami John accepte l’idée d’un tournage en Angleterre pour deux bonnes raisons:
1) tourner avec Jack Hawkins dont il dira plus tard qu’il se sera agi d’une des expériences les plus inoubliables de sa carrière de réalisateur.
2) faire la tournée des distilleries et des pubs locaux, projet si vaste qu’il a immédiatement conscience de ne pouvoir décemment le conduire seul. C’est pourquoi il se fera accompagner de l’ami Wayne, l’autre John imbibé, qui partagera ses systématiques beuveries nocturnes avec d’autant plus de bonheur que ce dernier, pour une fois, n’aura pas la nécessité de se lever le matin pour affronter plateau et caméras.
L’idée du film est séduisante, et le charme du film tout entier dans son principe: une journée dans la vie de l’inspecteur principal du service, avec son cortège de drames, de moments difficiles ou drôles, et dont la singularité tient dans la frénésie de la succession de ces évènements, et dans le contraste des interactions entre l’inspecteur et tous ceux qui gravitent autour de lui: famille, subordonnés, supérieurs, amis, suspects, collègues véreux, indics, victimes, ou fonctionnaires zélés.
Malgré un manque d’univers familier et de contexte habituel (changement de pays, de décors, d’acteurs) on retrouve le Ford qu’on aime: les relations sont le plus souvent chaleureuses, les interactions restent enjouées quelque soit le niveau de gravité de la situation et l’ensemble transpire d’une bonhommie qui ne peut qu’inspirer une affection spontanée chez le spectateur, pour peu que chez ce dernier les principaux organes soient disposés selon un schéma humainement adéquat.
Au fond, la bienveillance générale qui baigne le propos n’échappe pas à une certaine naïveté, sans que cela ne vienne gâcher l’ensemble. Dans la vraie vie (mais en existe-t-il une ?) toutes les intrigues ne trouvent pas une conclusion dans un arc de 24 heures, et surtout, le protagoniste qui ne peut régulièrement assister au concert de sa fille ou faire les courses pour sa femme se retrouve à l’âge, où il nous est présenté, seul, largué, alcoolique et dépressif, loin du père débonnaire entouré d’affection et du chef rigoureux provoquant l’admiration de ses proches et la considération de son supérieur, qui est ici dépeint.
Mais qu’importe, finalement. L’essentiel est dans la multitude de petits bonheurs que j’ai décrit plus haut.
Le cinéma, cher Ford, est toujours une fête.