(article précédemment publié sur Les Chroniques de Cliffhanger & Co)


Situé quelque part entre le teen-movie et film de potes, Interrail s’inscrit de fait dans deux traditions où la réussite du film dépend en premier lieu de l’écriture – et de ses mots dans la bouche des comédiens. Interrail, c’est avant toute chose un tour d’Europe par un groupe de jeunes français fraîchement bacheliers. C’est aussi, il semblerait, un film plus ou moins autobiographique, à en juger par l’héroïne, Lou (Marie Zabukovec), qui ne cesse de filmer ces camarades comme si elle ne voulait rien perdre de voyage initiatique. Un voyage au sein de l’Union Européenne, où les jeunes rencontrent des étrangers, flirtent, se méfient puis sympathisent, découvrent que bien que les langues et les cultures soient différentes, les gens sont foncièrement accessibles et gentils. Jamais ils ne rencontrent d’embûches humaines (on leur vole leur argent au début, mais on ne rencontre ni le voleur et ils ont encore moins à faire face à une agression). C’est là que le film s’enferme tout seul et passe dans ce qu’il veut éviter : être une pub géante pour le voyage européen des jeunes.


Pourtant, on sent l’honnêteté de l’entreprise, mais l’alchimie n’est pas là. Faute à des dialogues trop écrits, pas à leur place dans la bouche de ses personnages, parfois trop caractérisés, souvent archétypaux. Et pourquoi pas d’ailleurs, mais si seulement ils étaient réellement attachants. Ici, tout reste plus ou moins en surface, jamais les doutes et les ressentiments de ces personnages ne durent vraiment, tout semble très vite expédié et aussitôt oublié.


Le côté "jeunes qui partent en vacances", filment des images qu’on voit à l’écran (même si le caméscope n’est pas réellement millennial), dont l’amitié va être testée, rappelle un film de 1997, réalisé par Djamel Bensalah : Le Ciel, les oiseaux et… ta mère !. Dans ce film, quatre jeunes de banlieue gagnaient des vacances à Biarritz, où l’ennui du bas des blocs était transféré dans une station balnéaire ensoleillée. La force de ce film résidait dans l’alchimie sans limite de ces quatre personnages, pourtant parfaitement inadéquats. Ici, on sent que les personnages pourraient très bien s’entendre dans la vraie vie, mais leur relation, leurs engueulades et les rebondissements sonnent creux, la faute à une écriture et des dialogues bâclés, trop loin des jeunes qui les prononcent.


Le casting est pourtant très bon, plein de nouvelles têtes toutes fraîches. Étant donné que le film est réalisé par une femme, Carmen Alessandrin, on était en mesure de s’attendre à des rôles féminins intéressants. Mais malgré les efforts de Marie Zabukovec et de Manon Valentin – une sorte de nouvelle Christa Theret (c’est d’ailleurs maman Lisa Azuelos qui produit ici) – on peine à voir la différence d’approche de la cinéaste. Pire, les filles sont ici représentées comme des rancunières dont l’arc narratif quasi entier (à l’exception d’une histoire de stage et d’orientation pour la première) réside dans un triangle amoureux avec un garçon de la bande. Au final, Interrail est loin du désastre, mais tombe malheureusement dans l’écueil de déjà-vu. Et c’est bien dommage, parce qu’à côté de tout ça, ce road-movie trouve un réel ton et un joli écrin quand il n’est pas verbal, à travers de beaux moments de doute, de sensualité, d’extase, de défonce, dont on aurait aimé qu’ils durent tout le film.

JobanThe1st
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le 3 juil. 2019

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Jofrey La Rosa

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