La physique, tout particulièrement la théorie de la relativité restreinte (1905) d’Einstein, nous a appris que le temps et l'espace ne sont pas deux choses dissociables : ils forment ensemble une réalité à quatre dimensions, l'espace-temps.
Le temps se dilate en fonction de la vitesse du mouvement par rapport au référentiel (qui diminue la vitesse de l’écoulement du temps) ainsi que de la masse des objets (qui diminue également la vitesse de l’écoulement du temps). Chaque entité suit non seulement un chemin dans l’espace, mais aussi un chemin dans le temps. Or, ces chemins ont des formes différentes. Si un homme voyage dans l'espace avec la technologie suffisante tandis que son jumeau reste sur Terre, ils prennent deux trajectoires spatio-temporelles différentes. En revenant sur la terre, l’astronaute sera moins âgé que son frère, bien que lors du voyage tout était normal pour lui (l’aiguille des horloges n’a pas bougé pas plus vite ou moins vite que d’habitude).
Le GPS est une application de la théorie de la relativité. Les satellites orbitent autour de la Terre à 20 200 kilomètres d’altitude (la gravité terrestre subie par les satellites est 17 fois moindre qu’au sol, ce qui augmente la vitesse d’écoulement du temps), à une vitesse d’environ 14 000 km/h (ce qui diminue la vitesse d’écoulement du temps). Il faut donc tenir compte de ces deux effets combinés pour la synchronisation : les satellites ont 45 microsecondes d’avance toutes les 24 heures.
La relativité est la découverte de l’absence d’universalité du temps : il n’existe pas de présent absolu (un seul présent). Un événement peut être présent relativement à un observateur et non à un autre.
Il en découle une conséquence étonnante : l’éternalisme, thèse métaphysique selon laquelle le passé, le présent et le futur existent tout autant. Si vous êtes spatialement situés à Paris, vous ne niez pas que la ville de Tokyo existe en une autre localisation spatiale. Et bien il en est de même pour le temps : le passé et le futur existent tout autant que votre présent. Ainsi, vous existez déjà en tant que cadavre dans votre lit de mort en une autre localisation temporelle.
Cette thèse s’associe au perdurantisme (David Lewis) : thèse métaphysique selon laquelle tout objet ou personne qui traverse le temps possède des parties temporelles (à la manière d’un processus). Un objet ou une personne est non seulement une somme de parties spatiales douées d’unité, mais aussi une somme de parties temporelles douées d’unité ; c’est un « ver-spatio-temporel 4D ». Ex : de la même manière que je possède une tête et des bras, c'est-à-dire des parties spatiales, je possède aussi des parties temporelles. Les objets et les personnes ne subsistent en étant entièrement ce qu’ils sont à chaque instant du temps (thèse endurantiste), mais des processus dont l'extension est à la fois spatiale et temporelle, une suite spatio-temporelle d’évènements différents formant un ver spatio-temporel. Ex : ce que je suis aujourd’hui et ce que j’étais il y a 10 ans ne renvoient pas à une seule personne qui aurait changé mais à deux parties temporelles différentes de moi, qui suis une personne spatio-temporellement étendue avec d’un côté des jambes d’enfant et de l’autre une canne de vieillard. De même, par exemple, la rose fraîche et la rose fanée ne sont pas une même rose qui a changé mais deux parties temporelles différentes d’une rose 4D. Tout comme un objet ou une personne n’est pas seulement une de ses parties spatiales, il n’est pas seulement une de ses parties temporelles. Ex : tout comme mon pied n’est pas mon corps, mais une partie spatiale de mon corps, ce que je suis aujourd’hui n’est pas « moi » mais une partie temporelle de moi. Il faudrait donc réviser notre manière commune de parler. Ex : plutôt que « voici ma maison », on devrait dire « voici une partie temporelle de ma maison » ; plutôt que « j’ai parlé à ma mère », on devrait dire « j’ai parlé à une partie temporelle de ma mère ».