Nous avons enterré quelque chose.
Vainqueur de nombreux prix lors de festivals, annoncé comme visionnaire et s'attaquant à la construction humaine la plus complexe depuis les pyramides, Into Eternity était attendu, en particulier par les amateurs de documentaires écologiques. Est-ce que Michael Madsen aura réussi à faire passer un message, ou aura-t'il loupé le coche ?
Que faire des déchets radioactifs ? En Finlande, pour la première fois, un lieu de stockage permanent est en cours d'installation. Des milliers de kilomètres de tunnels sont creusés avant d'y déposer les déchets nucléaires, qui doivent être isolés de toute forme de vie pendant 100.000 ans. Mais comment s'assurer que ce lieu ne contaminera jamais personne ? Comment prévenir les générations futures des dangers que représente cette cargaison mortelle ?
Est-ce un film ? Est-ce un documentaire ? C'est à peu près ce que l'on se demande après avoir vu ce Into Eternity. Certains iront même jusqu'à dire Est-ce un clip ? Car oui, Into Eternity nage un peu dans tous ces genres, et cela peut se montrer extrêmement déroutant.
Le réalisateur, Michael Madsen, prend d'énormes risques en nous proposant ce mélange, et le résultat s'avère mitigé. 75 minutes, on se dit que ça fait court, mais finalement Madsen réussit à les rendre longues; pas parce qu'il nous noie sous les informations, mais parce qu'au contraire il avait un message à faire passer, certes important, mais qu'hormis cela c'est le néant total. Pour combler ce vide, Madsen, en tant que nordique, nous sert de longs intermèdes flirtant sans cesse avec l'esprit morose façon Sigur Rós. Il sait comment utiliser une caméra et nous le montre avec brio, mais en revanche il est absolument incapable de trouver comment comment remplir ses différents chapitres (déchets nucléaires, stockage temporaire, intrusion humaine, etc). Quelques personnes nous livrent des infos cruciales, puis l'on repart pour plusieurs minutes de plans sous-terrains, de machines dont l'utilité ne nous est jamais expliqué, ou encore d'élans en train de chier.
Bref, Into Eternity ne nous apprend pas grand chose de par son côté abstrait qui finalement ne nous conforte que sur une seule chose, l'homme ne saura pas ce qu'il sera dans 100.000 ans et Michael Madsen ne sait pas comment instruire par le biais d'un documentaire.
Le documentaire n'est pas non plus mauvais, car finalement tout ce qui instruit un minimum n'est jamais vraiment mauvais, mais en revanche il est assommant, ne dilapidant ses informations qu'au compte-goutte, et ne contrebalançant cette faiblesse que par une profusion d'effets esthétiques qui s'ils attestent des compétences cinématographiques de Madsen, ne font qu'appuyer ce sentiment de coquille vide.
On retiendra néanmoins que l'être humain a produit une énergie qui génère des déchets dont on ne peut se débarrasser, qu'ils vont être ensevelis pour protéger l'humanité ainsi que les autres formes de vie, et qu'on ne sait pas comment indiquer sur cet édifice, de façon durable, qu'il ne faudra jamais y pénétrer. Une simple note de service aurait suffi, sans compter que même si le film a ameuté les hipsters lors des festivals (principalement écologiques, ceux où il n'y a donc personne...), il sera à coup sûr boudé du public qui préférera aller s'instruire sur le niveau actuel de la connerie humaine en allant voir le dernier Pirate des Caraïbes (on sait d'ailleurs qu'en comparaison de son budget de 668.952 euros, il n'en a rentré que 31.979 aux States).
Pour conclure, les amateurs de récits sur fond de mysticisme auront ici de quoi passer un peu plus d'une heure à rêvasser. Ceux qui s'attendaient à quelque chose de plus substantiel seront déçus, le côté financier du projet n'étant pas abordé une seule fois (comme être sûr qu'aucune crise ou guerre ne viendra interrompre sa construction d'ici 2100 ?).
Mention spéciale pour la bande-originale, qui prouve que Michael Madsen a bon goût, oscillant entre classique, electro-pop et d'autres perles comme du Philip Glass.