J’ai découvert « Into the Wild » à sa sortie en salle en 2008. Habituée à crapahuter sur les sommets pyrénéens depuis le plus jeune âge avec pour seuls objectifs le challenge, l’isolement et la rencontre quasi inespérée avec l’un des derniers ours bruns français, je rêvais depuis lors de Grands Espaces avec un G majuscule. Pas étonnant que mes destinations « voyage » riment depuis toujours avec Canada, Montana, Nouvelle-Zélande et… Alaska. Et impossible de passer à côté d’un nouveau long métrage sur LE Grand Nord.


« Into the Wild » s’est imposé à moi comme un classique immédiat. J’ai pris une claque comme j’en ai rarement pris au cinéma. Si j’avais eu un seau de popcorn à ce moment précis je pense que la moitié aurait fini sur la moquette tellement mon esprit était transporté… ailleurs.


« Into the Wild » c’est d’abord un scénario, adaptation de l’œuvre de Jon Krakauer (lue plus tard), elle-même basée sur une tranche de la vie réelle de Christopher McCandless. Si l’adaptation cinématographique s’éloigne parfois du livre du fait de choix indissociables du travail d’adaptation, le film n’en est pas moins fidèle à l’esprit du jeune homme. Chris donc, 22 ans, est tout juste diplômé d’une prestigieuse université américaine. Destiné à un avenir tout aussi prestigieux, il décide de tourner le dos à ce destin que d’autres lui avait tracé afin d’accomplir son rêve juvénile d’une vie alternative, loin d’une société américaine matérialiste et du milieu petit-bourgeois dans lequel il était né. Si sa décision semble prise sur un coup de tête, on comprend vite qu’elle est l’aboutissement d’un long chemin spirituel du principal protagoniste qui ne supporte plus le monde dans lequel il vit. C’est donc sans laisser d’adresse qu’il part pour une randonnée sans billet retour sur les chemins américains qui le mèneront du Colorado à l’Alaska. A mi-chemin entre London et Kerouac.


« Into the Wild » c’est avant-tout l’interprétation magistrale d’Emile Hirsch (découvert pour ma part dans Les Seigneurs de Dogtown 3 ans auparavant) dont l’étendue du talent a largement été démontrée depuis sa prouesse road-moviesque. Il parvient à imposer un profond charisme malgré un rôle présentant naturellement peu de dialogues. Mais si Emile Hirsch est l’unique tête d’affiche du film, il n’est pas seul au casting. Et le meilleur second rôle est attribué… aux grands espaces américains ! Omniprésents, ils constituent un personnage à part entière. Leur immensité, leur puissance et leur vide indescriptible sont parfaitement retranscrits à l’écran. A travers la végétation, la faune, les reliefs, les rivières et le climat impitoyable, « Into The Wild » ne cesse de rappeler au spectateur que Mother Earth domine l’Homme et conditionne sa survie. Toute tentative, aussi courageuse soit elle, de dompter ces grands espaces est donc vaine. Chris l’apprendra à ses dépens. Il lui faudra se contenter de les apprivoiser mais le temps lui est compté et l’hiver du Grand Nord n’attend pas.


« Into the Wild » c’est aussi et surtout signé Sean Penn. Notamment connu pour ses interprétations oscarisées dans « Mystic River » et « Harvey Milk », Sean Penn nous montre avec « Into the Wild » qu’il est aussi habile derrière la caméra. Par son regard singulier, il a réussi à produire l’une des plus belles claques esthétiques du 7ème art. Terrence Malick n’a qu’à bien se tenir ! Dans les derniers instants du film, et ce par quelques indices judicieusement amenés, Sean Penn nous laisse finalement deviner chez Chris comme un semblant d’envie tardive de retour à la maison, à la société qu’il avait tant voulu quitter. Avec l’idée peut-être que le désir immodéré d’une nature encore vierge et d’un isolement extrême serait synonyme de néant, et une quête infranchissable pour l’Homme… fait pour vivre en société.


Last but not least (!), « Into the Wild » c’est aussi une musique. La bande originale signée Eddie Vedder fait probablement partie des 10 plus belles que le cinéma peut aujourd’hui compter. Loin de Pearl Jam, la voix de l’Illinois porte à merveille l’esprit libertaire de Christopher McCandless. Du bonheur à l’état pur.

Newmyland
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le 9 févr. 2015

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