Dans un film qui emprunte aux codes du western, de l'horreur et de la SF, John Carpenter fait une charge véhémente contre le conditionnement mental, le conformisme social et l'oppression reaganienne des Etats-Unis des années 80. Big John l'ancien hippie se fait plaisir à nous montrer des têtes d' individus appartenant aux classes favorisées débarrassées de leur masque de respectabilité. Par le truchement des lunettes magiques portées par le catcheur « écossais » Roddy Piper, qui est ici pour une fois sans sa cornemuse, on peut voir presque telles quelles leurs têtes inhumaines étranges et menaçantes. Un peu trop laides pour que ce soit crédible dans un premier temps de réflexion, la démonstration paraît dans un second temps frappée du seau malpropre du complotisme, avant de se révéler plutôt pertinente du point de vue des classes les moins favorisées. La colonisation par les extraterrestres reptiliens fait écho à toutes les colonisations passées et actuelles, l'asservissement par les « choses » d'un autre monde, capables de répliquer la forme humaine comme dans The Thing résonne avec l'asservissement au capitalisme métamorphe à visage humain, la dictature des envahisseurs renvoie aux nouvelles formes de dictatures sournoises.
Les messages subliminaux « Pas de pensées individuelles », « Consomme » , « Obéis » sont comme une prolongation de 1984 d'Orwell dans laquelle la machine à lavage de cerveau tourne en programme essorage rapide.
La mise en scène est simple, appuyée par une musique efficace de Carpenter et ne craint pas d'utiliser le filtre de la grisaille pour montrer le monde réel. S'il y a du remplissage, comme la bagarre entre Franck et John inspirée de l'Homme Tranquille, alors que le film ne dure qu'1H30, c'est dû au petit budget suite à l'échec de Jack Burton mais aussi au fait que l'important n'est pas pour Carpenter, dans la plus sociale de ses œuvres, de s'attarder sur l'histoire des personnages mais plutôt de nous faire réfléchir au monde dans lequel nous vivons. A près avoir vu ce film on ne pourra plus voir ceux qui nous dirigent comme avant.
Sans fausse modestie je pense que Big John aurait aimé ma critique : "J'aime bien les critiques françaises, elles ont toujours intellectualisé mes films, leurs ont donné un sens politique auquel je n'avais pas pensé, moi mon but c'était de faire ressentir des émotions aux spectateurs".