Les hommes sont jeunes, le teint lisse, le regard fougueux, apparemment insouciants de l'enjeu (leur vie). C'est aussitôt Das Boot qui vient à l'esprit, précisément l'échange poignant, prémonitoire et lourd de sens entre le commandant et le gratte-papier invité à bord. "Attendez le retour pour les prendre en photo ; pourquoi? ; car au retour ils auront de la barbe." Qu'ils sont jeunes alors ces marins, insouciante chair à canon. Et si la barbe de Jack O'Connell ne pousse étrangement pas (un bouc millimétré taillé au poil près, du plus bel effet), pas plus que son brushing ne se froisse, pendant les quarante-cinq jours de sa dérive maritime, il faut admettre que l'acteur étoffe son personnage tout au long de la pellicule et lui offre une contenance que les scènes introductives ne laissaient présager. Il apparaît alors que la première moitié du film, exaspérante au possible, souffre d'une direction d'acteur catastrophique. Souhaitant à tout prix mettre dans leurs bouches innocentes la panoplie complète des citations héroïques hollywoodiennes de bande-annonce, Angelina Jolie impose à sa pauvre troupe le challenge insurmontable de rendre crédible des dialogues insipides, pire!, de leur offrir une portée humaine et émotionnelle. Tâche audacieuse dans laquelle ils échouent lamentablement. Il fallait s'y attendre.
Pourtant l'actrice reconvertie filme les Hommes avec un remarquable talent, malgré une légère tendance à abuser des prises de vue en contre-plongée (victime encore une fois de son obsession à héroïser ses protagonistes). Elle fouille avec un amour certain les visages, creuse les consciences et offre à ses acteurs de véritables espaces d'expression, intimistes et introspectifs.
Ils redresseront ainsi, enfin, la barre. Un silence, un refus d'expression, O'Connell, sans un mot, s'exprime véritablement et sauve miraculeusement une pellicule que la capture à main nue d'un requin avait condamnée au discrédit sans autre forme de procès. Il est possible à nouveau d'apprécier les subtils cadrages d'Angelina Jolie, les mises en lumière réussies et ces hommes, toujours ces hommes, vecteurs de l'humanisme profond de la réalisatrice, porteurs de son message.
Le rythme est étrange. Passionnant s'il en est mais troublant assurément. Saccadé, entrecoupé de brèves scènes d'action. Ces dernières, indispensables et fort bien menées, ne sont cependant que transitions, introductions ou conclusions. Le corps du récit est humain, d'où l'étrange sensation de non-rythme qui se dégage peu à peu. D'aucuns resteront sur le carreau, dépassés ou lassés par ce fractionné permanent. De la vie d'athlète de Zamperini on ne saura que peu de choses. Bâclée ou volontairement occultée, la tranche de vie est vite expédiée pour se concentrer sur la survie du bonhomme, pour insister sur la tragédie humaine qu'est la guerre, au plus près des hommes, loin des décisions, des stratèges. C'est l'élément de Jolie, elle y instille une belle sensibilité et un regard différent.
Unbroken fait les frais d'une mise en jambes calamiteuse, hors de propos, exagérée en tout point. Surjouée, dénuée de toute crédibilité, la première heure annonce le pire. Heureusement, comme habité par la maturité grandissante de son personnage, O'Connell abandonne peu à peu les mièvres tirades pour un sombre jeu de regard, fascinant. Angelina Jolie démontre une réelle identité visuelle et un véritable talent derrière la caméra mais l'arrière goût de gâchis subsiste. Il eut été possible d'extraire tellement plus de ce canevas. N'en ressort qu'une oeuvre boiteuse, mitigée, un grand dommage.