Un bien curieux exercice que ce film d’espionnage sorti en 1965, en pleine James Bond mania. Car on retrouve derrière la caméra bon nombre d’artisans dédiés à la franchise 007 : Harry Saltzman à la production, John Barry à la BO, Peter Hunt au montage, et Ken Adam aux décors. Même le protagoniste est un espion séducteur, gourmet, et légèrement insubordonné !
Malgré tous ces ingrédients, il ne s’agit pas ici d’une copie des aventures de 007. Le film n’en a ni les moyens logistiques (750 000 dollars de budget, là où les James Bond se rapprochent des 10 millions à cette époque), ni la volonté. « The Ipcress File » est plus proche du film noir, avec une intrigue très londonienne avançant lentement et par dialogues, au son de la BO langoureuse de John Barry.
Michael Caine est amusant en agent malgré lui, clairement peu emballé par un travail dont la bureaucratie est régulièrement au cœur du récit (chose rare pour les films policiers ou d’espionnage !). Son humour pince-sans rire, son insubordination, et son ingéniosité le rendent attachant. A noter que le succès du film provoquera des suite où Michael Caine reprendra son rôle de Harry Palmer. Certains voient également dans ce personnage un embryon du futur Austin Powers (les lunettes sans doute ?).
Côté mise en scène, Sidney J. Furie offre à son film beaucoup de personnalité. Très loin de visuels plan-plan, « The Ipcress File » regorge de plans pour le moins originaux pour un film d’espionnage : scènes filmées depuis des objets du décors en grand angle, contre-plongées diverses, personnages décentrés à l’écran, etc. Parfois cela apparait comme un peu gratuit (les nombreux plan débullés semblent là davantage pour donner un style que dans un but narratif). Mais parfois cela donne des séquences intrigantes… ou assez osées, telle cette scène de séduction à peine déguisée en scène de sexe (« I am going to cook you… the best meal you’ve ever had »).
Certains reprocheront le peu d’action du film, qui semble plus s’intéresser à des rivalités entre supérieurs british snobinards, qu’à l’intrigue. Mais c’est justement ce qui fait le charme du scénario, qui se centre sur le fonctionnement des services secrets. Cependant, le dernier acte, sans doute le meilleur du film, offre son lot de rebondissements et quelques scènes assez intenses.
« The Ipcress File » est donc un film d’espionnage qui mérite d’être davantage connu !