Cavalier qui surgit hors de la nuit.
Je pense que c'est un grand film. Je trouve dingues son impudeur, sa cruauté, la violence des mots qui se glissent derrière les images. Toujours avec sa voix, Cavalier parvient à donner l'atmosphère d'un ailleurs, d'un monde encore plus beau que notre monde et celui des morts : c'est Irène qu'il filme, c'est d'Irène dont sa voix douce et précise nous parle, mais ce n'est pas d'une Irène morte, ce n'est pas d'un fantôme fait de mémoire accumulée, mais d'une Irène au temps présent. Ce qui est si passionnant, c'est que Cavalier est trop modeste pour prétendre que le cinéma permet de réveiller les morts. Cavalier questionne ses images, sa mémoire. Son cinéma n'est pas mémoriel, c'est une lutte pour le temps présent. Irène n'est pas un film sur ce qu'était Irène lorsqu'elle était vivante, mais sur ce qu'elle est aujourd'hui – un drap, une photo, un bouquet de fleur, un bord de mer silencieux. J'aime le prosaïsme du film, son côté trivial, renforçant paradoxalement le mysticisme du visage reconstruit d'Irène. Du dos couvert de zona de Cavalier, ou son visage mutilé par un accident dans les escaliers, Irène inonde toujours les plans, elle est toujours là. Le cinéaste fait les cent pas dans le lieu où il a appris sa mort, mais ce n'est pas pour se revoir faillir en apprenant la nouvelle, mais pour continuer à vivre, chercher encore les traces de sa présence. Finalement, ça ne parle que de cinéma. Irène est le cinéma.