Avoir l’opportunité de revoir un film qu’on chérit en salle est une expérience agréable. Elle l’est d’autant plus quand il s’agit de ce qui a lancé un univers qui nous passionne au plus haut point et nous accompagne depuis plus de dix années. Certains ont grandi avec Star Wars, d’autres avec Harry Potter, pour ma part c’est l’initiative de Kevin Feige qui a été à mes côtés pendant ma fin d’enfance et adolescence. Le producteur, en voyant les immenses succès de Spider-Man et des X-Men à la même période, révolutionne l’industrie en s’emparant des personnages Marvel pour les intégrer à un univers cinématographique, une manière de mettre en place des franchises à succès en connectant plusieurs sagas pour au final les réunir dans un crossover. Le potentiel est immense, à tel point que Disney s’empresse de racheter deux années plus tard Marvel Studios. C’est donc le personnage d’Iron Man, jusqu’alors pas vraiment populaire, qui a la lourde charge en 2008 de commencer le Marvel Cinematic Universe, le MCU, le mastodonte hollywoodien des années 2010. Le moins que l’on puisse dire est qu’il a accompli la tâche avec brio et pouvoir constater l’efficacité de ce qui était à l’époque une prise de risque relativement conséquente sur grand écran, quand on est fan du MCU, n’a pas de prix (et ça en a encore moins avec une carte UGC Illimité).

Attention spoilers

Robert Downey Jr. trouve le rôle de sa vie avec Tony Stark. Le génie milliardaire playboy philanthrope est devenu la figure de proue du MCU grâce en partie au comédien qui donne une autre dimension au personnage. Prendre un acteur qui a montré un certain talent comique dans notamment Kiss Kiss Bang Bang (de Shane Black, qu’il retrouvera en 2013 pour le troisième Iron Man) et l’hilarant Tonnerre sous les tropiques était une bonne idée, le sens de l’humour du personnage fait souvent mouche, Robert Downey Jr. s’est parfaitement imprégné du caractère narcissique et confiant de l’homme d’affaires. Il aime le personnage, il a tout donné pour lui et cela se voit à l’écran. Il a tellement été impliqué dans le rôle qu’il n’hésitait pas à improviser des répliques selon une récente déclaration de Gwyneth Paltrow. Il est indéniable qu’il a marqué les esprits à la manière d’un Hugh Jackman en Wolverine, il n’a fait qu’un avec l’homme de fer à tel point qu’il sera difficile de trouver un successeur en cas de reboot. Son absence dans le MCU affecte sûrement le box-office (le souci étant plutôt que Marvel Studios ne met pas assez en avant ses potentiels remplaçants) mais l’acteur aime beaucoup le personnage et le chèque de Disney, ce qui va sans doute le pousser à revenir dans Avengers : Secret Wars.

Commencer un univers cinématographie en s’appuyant sur un personnage tel que Tony Stark était un pari un minimum risqué. Stark n’est pas un héros exemplaire à la Captain America ou à la Spider-Man, il est à la limite de l’anti-héros puisqu’il est un riche égoïste à la tête d’une entreprise d’armement, un profil d’antagoniste de prime abord, d’autant plus qu’il n’hésite pas à tuer ses adversaires dans ce premier film. La force de cette origin story est de rendre ce personnage autrefois loin d’être populaire attachant. Tony Stark a un parcours redoutablement efficace, celui qui n’aime que soi se met à penser aux autres en devenant un héros qui met désormais ses talents d’ingénieur au service de l’humanité et non de son compte en banque. Les scénaristes ont trouvé l’équilibre parfait entre la puissance de l’armure et les faiblesses de la personne dont le cœur est constamment menacé. Voir le protagoniste s’entraîner et échouer rend l’ensemble plus crédible et sa réussite n’en est que plus galvanisante. L’entraînement se conclut sur la finition de l’armure rouge et jaune et il est impossible de ne pas avoir des frissons devant ce design irréprochable et cette authenticité apportée par la construction de l’armure pour le tournage.

La mise en scène de Iron Man par Jon Favreau va dicter les apparitions du personnage au sein du MCU. Sa réalisation lors de la naissance du héros (la première fois qu’il endosse l’armure) fait parfaitement monter l’intensité avec un enchaînement d’inserts sur des parties de l’armure qui dévoilent progressivement l’ensemble. Voir chaque détail donne réellement un aspect tangible, le spectateur a davantage envie d’y croire. La caméra tout le temps en mouvement apporte du dynamisme et amorce la flexibilité permise par le costume ou le passage à l’action. À la suite de cette séquence, Iron Man prend le contrôle du film et de sa mise en scène, la caméra et même les transitions (le volet qui va de droite à gauche après le petit plan de vol) suivent chacun de ses mouvements. Lors du combat face aux Dix Anneaux, l’impression d’une arme ultime se fait clairement ressentir dans la mise en scène. Le protagoniste ne lâche pas un mot pendant toute l’extermination, il ne retire jamais son casque et différents moyens de combat sont utilisés à savoir le poing, les lasers dans les paumes et les mitraillettes des épaules. Favreau se permet de faire appel à un plan typique du western pour mettre en valeur l’homme de fer, un plan à la hauteur de la ceinture, les ennemis dans le bokeh pour les effacer de l’image avant de les exécuter. Le montage fait superbement ressortir le côté mécanique en laissant un plan par mouvement du héros. Pour couronner le tout, le plan dans lequel Iron Man avance et se met dos à l’explosion du tank respire le charisme et l’iconisation.

Dans les moments où Tony Stark n’est pas Iron Man, le réalisateur convoque du symbolisme. Le plus parlant est à mon sens la séquence du remplacement de ce qui maintient Stark en vie. Sa vie ne dépend ici que de son assistante Pepper Potts et ce ne sera pas la première fois puisqu’elle deviendra une vingtaine de films après sa femme et la mère de ses enfants. Afin de mettre en place la relation, Favreau construit une scène dans laquelle Pepper doit littéralement trouver le cœur de son patron. Dans tous les plans qui composent cette séquence, les deux futurs amants sont ensemble dans le cadre, même lors des champs-contrechamps, un procédé qui a pour vocation de les rassembler alors que le film laisse sous-entendre qu’ils ont passé leur vie à s’éviter. Aller chercher le cœur et plus ou moins lui en donner un nouveau peut également être une manière de dire que Stark s’est acheté une conscience ainsi qu’une morale et qu’il va avoir de l’empathie pour toutes les victimes de ses inventions. Plus tard, au moment de la scène angoissante dans laquelle Tony perd ce qui le maintient en vie, il survit grâce au cadeau que Pepper lui a confectionné, énième preuve de la place essentielle de Potts dans la vie de Stark. En outre, juste avant de mettre l’armure pour passer à l’action, Stark tire dans son reflet comme s’il tuait Tony Stark pour laisser naître Iron Man. Autre symbolisme à propos duquel je suis moins sûr, le fait que Stane ait une armure bien plus imposante est une manière de retranscrire son complexe d’infériorité qu’il garde depuis que le jeune Stark a pris la tête de l’entreprise à sa place. Pour continuer sur le méchant, le cinéaste sait le rendre colossal et intimidant lors du climax en le filmant en contre-plongée ou en le faisait par moments dépasser du cadre. Favreau est par ailleurs l’initiateur des plans à l’intérieur du casque que tous les métrages du MCU reprendront pour montrer la tête de la star.

2008 était une époque bien différente pour le MCU, une époque où Disney n’était pas encore intervenu. La première phase de la saga est connue pour être bien différente des suivantes et avoir revu le troisième Ant-Man, celui qui réunit tous les maux du MCU actuel, avant de se rendre en salle a permis de bien repérer tout ce qui a changé à commencer par les effets spéciaux. Tout le monde sait que la CGI et les fonds verts des récentes productions ne sont plus à la hauteur en raison des conditions de tournage et de post-production. Ce premier Iron Man n’a sur ce point presque pas pris une ride parce que Jon Favreau savait ce qu’il faisait sur son tournage, les équipes ont eu le temps de préparer la post-production et de la finaliser en bonne et due forme. Contrairement à la majorité de ce qui a suivi, le film est dénué d’un filtre gris et a un éclairage plus naturel. La photographie n’est pas aussi uniformisée que maintenant (bien que nous trouvions des exceptions telles que Les Éternels) et les couleurs semblent davantage travaillées. Revenons à la séquence de combat face aux terroristes des Dix Anneaux, le rouge et le jaune de l’armure font pleinement ressortir le personnage puisque ces couleurs sont peu présentes dans le décor.

Au delà de la forme et de la technique, c’est la tonalité adoptée qui ne se retrouve plus vraiment maintenant. Le film s’attaque frontalement aux sujets de l’armement, du terrorisme et du rôle de l’Amérique dans les conflits. Il les traite avec un certain sérieux, les quelques traits d’humour dissimulés ici et là n’enlèvent jamais la gravité de la situation et viennent même dénoncer le cynisme des PDG via le Tony Stark d’avant la prise de conscience. Malgré son héroïsme, le protagoniste garde ses vices et ses faiblesses, il est encore loin du statut de super-héros idéal qu’il va acquérir au fil de la saga. Alcoolisme et femmes (il y a d’ailleurs une scène de pole dance qui surprend légèrement maintenant que tout appartient à Disney), Tony Stark a beau être attachant il n’a pas une morale irréprochable et est plus complexe qu’il n’y paraît, ce qui fait tout son charme. L’antagoniste Obadiah Stane n’est pas le vilain le plus marquant mais le charisme de Jeff Bridges aide à le rendre un minimum intéressant. Ce qui est notable avec ce méchant est le jeu, au niveau de l’écriture comme de la mise en scène, des différences et points communs avec Tony Stark, comme s’il était une version de Iron Man qui avait mal tourné. Les deux sont issus du même milieu mais l’un fait les choix inverses de l’autre jusqu’au choix du design de l’amure, celle de Stane est imposante et grise tandis que celle de Stark est colorée et fine. Petite pensée pour le sympathique James Rhodes qui prend plus d’ampleur une fois que Don Cheadle remplace Terrence Howard dès le deuxième opus.

Premier succès retentissant de la licence majeure de la décennie passée, Iron Man s’impose comme un solide blockbuster. Cette origin story au rythme survolté et à la BO rock ‘n’ roll donne à Robert Downey Jr. le rôle de sa vie et à la pop culture une nouvelle légende. Jon Favreau a su allier effets spéciaux spectaculaires et sujets sérieux grâce à sa réalisation maîtrisée et un certain sens du symbolisme. En tant que fan absolu du MCU, le revoir au cinéma est un immense plaisir qui rendrait presque nostalgique de l’époque de l’âge d’or, quand un film comme Captain Marvel pouvait atteindre le milliard de dollars au box-office mondial. Quand la séance se termine sur « I am Iron Man » et la scène post-générique l’émotion est présente. Je me suis rendu compte que pour retrouver de la hype, Kevin Feige doit absolument trouver et mettre en avant de nouveaux fers de lance qui possèdent la même aura que Iron Man. Doctor Strange et Spider-Man me paraissent être de sérieux concurrents, en attendant Pedro Pascal en Reed Richards et le futur Deadpool & Wolverine.

BestPanther

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