Iron Man 3 n’est peut être pas un « film d’auteur » au sens propre du terme, mais il bénéficie d’une vraie personnalité, celle de son réalisateur et scénariste Shane Black. L’auteur de l’hilarant Kiss Kiss Bang Bang réussit à s’approprier le film pour en faire une œuvre solide, bourrée d’humour et extrêmement divertissante.
Et pour cause, la "Shane Black’s touch" est ici particulièrement présente. Pour commencer, Iron Man 3 reprend de Kiss Kiss Bang Bang l’idée du personnage principal se faisant narrateur pour raconter son aventure. Ce qui exploite bien l’égo surdimensionné du personnage dans une scène post-générique particulièrement drôle. Ensuite, toujours comme dans son précédent film, Shane Black met aussi en abyme le cinéma et ne manque pas d’écorcher avec humour le culte des stars. Mais surtout, l’apport le plus remarquable du réalisateur à la franchise est son approche old school et ludique. En fait, il aborde Iron Man 3 moins comme un film de super-héros ou un blockbuster que comme un film d’action à l’ancienne : fun et récréatif avant tout (logique venant du créateur de L’arme fatale). Aussi, plus encore que dans les épisodes précédents, l’humour est omniprésent : dans les dialogues qui sont autant de séances de ping-pong jubilatoires, dans des scènes aux situations abracabrantesques, et dans les relations des personnages (mention spéciale à celle entre le gamin et Stark, grand gamin lui-même). Et au-delà, cet humour permet aussi au film de sortir du ridicule inhérent à son genre. C’est la grande et très bankable) idée de Marvel studios : on est conscient de ce ridicule, et plutôt que de chercher à l’atténuer, on en fait un ressort comique à grand renfort d’autodérision et de second degré, ce que Tony Stark fait à merveille.
Et puis, Shane Black et son co-scénariste Drew Pearce n’hésitent pas à bousculer nos habitudes, d’abord en donnant au film un rythme inhabituel et surprenant. Ensuite parce qu’ils n’ont pas peur de prendre des libertés avec le matériau originel : le traitement du Mandarin est un beau doigt d’honneur aux fan(natique)s. Et surtout, comme The Dark Kinght Rises, Iron Man 3 fait passer l’homme avant le super-héros. C’est Tony Stark, et non Iron Man, qui est au centre de l’intrigue. Le personnage y gagne en profondeur et permet à Robert Downey Jr. d’élargir sa palette de jeu. On retrouve donc le héros aux allures d’antihéros toujours aussi narcissique, déjanté et vanneur mais aussi plus vulnérable qu’à l’accoutumé. Le fait est que ses dernières aventures « avengeriennes » l’ont traumatisé et rendu paranoïaque. Une paranoïa se traduisant de façon cocasse par une tendance typiquement américaine au surarmement : une quarantaine de nouvelles armures dans son cas. Attaqué de toutes parts, le personnage paie aussi chèrement son arrogance. La scène où il traîne son armure hors service dans la neige montre bien comment son statut de super-héros, asticieusemment comparé à celui d’une star hollywoodienne, est devenu un fardeau pour lui. Le film le remet ainsi dans la position de ces origines, le ramenant dans cette grotte afghane où, sans sa fortune et tous ses gadgets hight tech, il ne devait plus compter que sur son seul vrai superpouvoir : son génie d’invention. Une nouvelle fois, donc, il se retrouve coupé de toutes ses ressources et contraint de se débrouiller façon MacGyver, d’autant que la technologie s’avère cette fois particulièrement capricieuse.
Par ailleurs, la réussite du film tient aussi à la façon dont sont traités les deux bad guys : le Mandarin et Killian Aldrich. Au-delà du miroir en négatif qu’ils tendent à Stark, l’un par sa mégalomanie touchant à la caricature, l’autre par son côté savant fou, ces deux personnages sont intéressants pour les menaces qu’ils représentent. Le Mandarin semble, de prime abord, simplement inspiré de Ben Laden : même mégalomanie, même sens de la mise en scène et même instrumentalisation de l’islam pour justifier des actes de pur et simple anti-américanisme. Mais après un twist aussi inattendu que drôle, le personnage apparaît sous un autre jour. D’une part, sa situation se révèle être une brillante mise en abyme du cinéma américain dans l’une de ses vocations principale (après l’entertainment et l’argent), à savoir : imaginer et mettre en scène de nouvelles menaces pour l’Amérique. D’autre part, la mascarade qu’il cache relève d’un habile contournement du problème posé par le caractère trop simpliste et manichéen des méchants dans les films de super-héros. Aussi, plutôt que de faire un autre super-vilain basique, le film met en abyme sa fabrique. L’intérêt de Killian Aldrich réside, lui, dans le plan qu’il met en œuvre, car celui-ci illustre de façon pertinente toute ambiguïté du rapport américain à la menace. L’objectif d’Aldrich est de contrôler « l’offre et la demande » de menace. L’offre, c’est la menace du terrorisme. La demande, c’est celle de l’appareil de défense national des Etats-Unis, qui a un besoin constant de menaces, réelles ou virtuelles, pour légitimer son existence et justifier son ampleur. Tony Stark ne dit pas autre chose quand il explique que l’ « on créer ses propres démons ». Quant aux pseudo-terminators servant d’hommes de main à Aldrich, leur côté caricatural n’enlève rien à l’astuce de la métaphore qu’ils représentent : des bombes humaines.
Le principale atout d’Iron Man 3 réside donc dans son scénario bien écrit, bien ficelé et riche en surprises. Mais pas seulement. Sa mise en scène est efficace même si un peu classique par moment. Ses séquences d’actions, plutôt que de tenter l’impossible surenchère par rapport à celles d’Avengers, sont utilisées avec parcimonie, ce qui les rend d’autant plus appréciables (la scène de sauvetage en chute libre en particulier). Et enfin, les acteurs sont en grandes forme, en particulier Robert Downey Jr, toujours aussi génial, James Badge Dale, encore une fois excellent, et Ben Kingsley, hilarant dans un registre qu’on ne lui connaissait pas.
Que dire de plus alors, si ce n’est qu’Iron Man 3 est d’autant plus réussi qu’il parvient à sortir de l’ombre d’Avengers en ne cherchant pas la comparaison mais plutôt en imposant ses propres règles, et en se posant comme une sorte de méta-film de superhéros.