Après un premier long-métrage ayant suscité l’intérêt, il est toujours difficile à un jeune réalisateur de passer le cap du second film tout en préservant cette curiosité de la part du public. Surtout si, pour son nouvel essai, ledit cinéaste change totalement de registre ! C’est le cas de Trey Edward Shults, qui s’était fait remarquer en 2016 avec Krisha, un drame ayant su rafler quelques récompenses au titre de « Meilleur premier film » ou encore « Meilleur réalisateur débutant ». Plutôt que de continuer sur cette voie, le jeune metteur en scène a préféré se tourner vers le genre horrifique avec It Comes At Night. Une prise de risque considérable, étant donné que le cinéma américain pullule actuellement de titres fort discutables, bien qu’il faut avouer que cette année 2017 réserve son lot de surprises et de réussites (Get Out, Annabelle 2, Ça…). Est-ce que le second long-métrage de Shults en fait partie, telle est la question ? Eh bien, nous ne pouvons répondre que par la positive, bien qu’It Comes At Night, étonnant et osé dans son postulat, aurait pu être bien meilleur que le résultat final.
Quand je dis que le réalisateur a pris des risques avec ce film, c’est parce qu’il aborde le genre horrifique en s’éloignant énormément des standards actuels. Avec It Comes At Night, point de moments archi gores ou de jump scares gratuits pour nous effrayer facilement. Ni de personnages inexistants évoluant dans un univers se prostituant aux explications et au manque de mystère. Non, le long-métrage de Shults, plutôt que de nous terrifier frontalement, décide d’aborder l’une des plus grandes peur de l’homme (l’inconnu) et de la traiter en conséquence. Déjà le cadre : une maison isolée dans la forêt. Ce qui se passe autour ? Eh bien, on ne sait pas vraiment ! Il est question d’un danger touchant l’humanité, sans doute d’ordre viral, mais vous ne saurez rien de plus ! Les personnages ? Nous ne savons pas grand-chose sur eux. Juste qu’il s’agit d’une famille, tentant de survivre à ce fameux danger, que l’on va apprendre à connaître un minimum. L’élément perturbateur ? Une autre famille venant s’immiscer dans la vie de la précédente, dont elle ignore tout (d’où elle vient, ses intentions…). Ce qui va se passer autour de tout ce petit monde ? On n’en sait strictement rien ! Et c’est de ce manque d’éclaircissement qu’It Comes At Night puise toute sa force.
Car a tout miser sur l’inconnu, le film se voit offrir une ambiance qui fait assez froid dans le dos. Une atmosphère qui se nourrit de la paranoïa de ses personnages (à l’instar de l’excellent The Thing de John Carpenter) pour titiller notre trouillomètre. Certes, vous ne savez pas quelle est cette menace qui pèse constamment sur les personnages. Vous ignorez d’où elle peut provenir. De qui elle peut venir, même ! Mais c’est justement ça qui provoque cette tension qui habite chaque seconde du film, ladite menace étant pour le coup omniprésente et pouvant frapper à n’importe quel moment. Bref, It Comes At Night nous angoisse sans jamais rien montrer ni évoquer. Juste en insistant bien sur le travail d’écriture de ses personnages (interprétés par des comédiens grandement impliqués) auxquels on s’attache très rapidement et une mise en scène des plus léchées. Cette dernière prend diablement son temps à filmer chaque séquence, à offrir au film une lenteur assumée qui ne fait que renforcer cette tension dominante. On n’est jamais à l’aise. L’ensemble s’avère plutôt intenable, dérangeant… L’atmosphère idéale pour n bon long-métrage d’horreur !
Mais paradoxalement, il faut bien avouer que ces atouts sont également à double-tranchant pour It Comes At Night. Car s’ils lui donnent suffisamment de cachet pour sortir du lot, ils peuvent aussi repousser les spectateurs qui ont du mal à adhérer à ce procédé. D’autant qu’à force de ne rien vouloir révéler pour maintenir le suspense, le film ne propose aucune sensation forte. Aucun moment « explosif » (par là, il faut comprendre « mouvementé » ou bien encore « d’action ») à nous mettre sous la dent, donnant l’impression qu’il ne se passe rien. Non, It Comes At Night persiste dans sa lenteur qui pourra en dérouter plus d’un, se présentant tout aussi bien tendu qu’austère est c’est bien dommage. Surtout que malgré un dénouement pour le moins choquant et prenant, le long-métrage se termine sans crier gare. Comme s’il baissait le rideau alors que l’histoire n’est même pas terminée, ce qui le rend encore plus frustrant lorsque le générique de fin pointe le bout de son nez. Car mine de rien, malgré le fait que le film mise tout sur le mystère, il faut bien avouer qu’on aurait aimé en savoir d’avantage. D’avoir un instant bien plus détonnant pour que l’ensemble puisse être mémorable comme il aurait dû être.
Malgré cela, il ne fait aucun doute que Trey Edward Shults a passé avec brio l’épreuve du second projet, confirmant son talent et la confiance que le public peut lui donner dans ses futurs autres films. Le box-office témoigne également de l’intérêt qu’It Comes At Night, ayant récolté quasiment huit fois plus que son budget (près de 20 millions de dollars pour un coût de 2,4 millions). Il est certain que nous sommes très très loin de la rentabilité d’autres poids lourds du genre, qui vont bien au-delà des 100 millions. Mais pour un réalisateur inconnu du grand public, avec un film inattendu, cela reste un score des plus honorables. Reste désormais à savoir si Shults poursuivra sur cette lancée et nous livrera un troisième titre qui fasse honneur à sa filmographie naissante.