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Personne ne sait comment qualifier ça. Cette chose donc, qui suit et assaille inéluctablement les personnages, ne sera définie que par le champ lexical de l’incertitude. Le film commence par une énigmatique scène où une jeune fille, totalement désemparée, s’enfuit de chez elle pour se retrouver sur une plage, où elle déclare son amour à son père dans une sorte de cri de désespoir avant d’être sauvagement tuée. Ce désespoir, c’est celui d’une jeunesse qui se retrouve seule , à l’instar de la jeune fille, face à l’inconnu. On découvre ensuite l’héroïne, Jay, dans une piscine. L’eau est un élément très présent au cours du film (qui adopte lui-même une teinte bleutée) comme le symbole d’un lieu sécurisant, rappelant le liquide amniotique. Si cet élément apparaît comme rassurant au début, sorte de havre de paix où Jay vient se ressourcer, il évolue pour devenir menaçant à la fin, quand le groupe d’adolescents tente de venir à bout du monstre un peu naïvement dans une confrontation entre Jay et la chose. L’eau de la piscine finit souillée par le sang de la chose, lui indiquant que désormais elle n’a plus d’endroit où se réfugier. Ici, le sexe s’apparente au passage d’un monde à un autre, celui des adultes. Même si ce n’est pas la première fois pour Jay, le moment où elle couche avec Hugh s’accompagne d’une sorte de prise de conscience, car cette fois ci la chose devient brutalement réelle, une chose qu’elle pourra tenter de fuir mais qui sera dorénavant toujours présente. Une fois confrontée  à cette réalité, il y a comme une volonté de retour en arrière pour Jay, comme le montre le retour vers son « first kiss », Paul, son réflexe de fuir vers le terrain de jeux pour enfants, la maison de vacances en bord de mer comme lieu de refuge… Hugh exprime lui aussi cette volonté pendant leur jeu, où il affirme vouloir retourner à sa prime jeunesse, un retour à l’innocence totale, où l’on pouvait pisser n’importe où n’importe quand, libéré des contraintes sociales. Les adultes ne sont présents que sous la forme d’une menace : en effet, ils n’apparaissent quasiment que sous la forme de la chose, prêts à tuer leur progéniture, comme lors de la scène incestueuse de la mort de Greg. L’absence d’adultes illustre l’idée d’une sorte de pèlerinage à effectuer par eux même, les adolescents doivent affronter la chose seuls, ils partent en quête de réponses que personne ne semble en mesure de leur donner. 
La chose serait finalement une illustration du temps qui passe : elle ne fait que marcher mais elle n’est pas stupide, elle arrivera toujours à rattraper les jeunes gens malgré la fuite. Elle est donc l’image d’une fatalité à laquelle personne ne peut échapper, elle arrivera toujours à franchir les obstacles, une fatalité qu’on ne peut détruire et qui ne peut que s’étendre. Le film reste cohérent dans sa volonté de figurer cette course du temps, en jouant sur la tension dès le début et en réussissant à la maintenir tout au long du film, notamment grâce à la musique. Il ne propose pas d’effusions de sang inutiles, il reste constant, utilisant tout de même quelques jump scares pour honorer le genre. David Robert Mitchell nous propose le portrait d’une jeunesse en proie à ses désirs et ses doutes, capturée dans toute sa fougue par une très belle photographie. L’inexorable passage du temps est aussi marqué par l’inactivité des amis de Jay, qui semblent toujours empreints d’un ennui profond. Le réalisateur nous présente les désillusions de la jeunesse de notre époque, pour qui finalement le sexe ne serait qu’une façon de partager un désespoir commun et d’affronter à plusieurs la tyrannie du temps. Les incertitudes face à l’avenir, le refus de vieillir, et la mort qui se rapproche chaque minute un peu plus, seule issue possible, tout cela fait finalement écho aux peurs qui sont présentes chacun de nous.

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Léa_Krykowski
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le 31 mars 2015

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