Je ne sais pas si j’ai raté quelque chose, mais à lire les critiques de ceux qui l’ont apprécié, je ne suis pas certain de le regretter.
Il paraît que s’opposent les partisans d’une thèse érigeant ce film en chantre de la bien-pensance, un vibrant plaidoyer en faveur de la bienséance et de l’abstinence, et ceux qui ont réussi à voir une satire habile du même sujet (la sexualité débridée des ados), avec des références hilarantes et œdipiennes. Pour ma part, il a surtout été question d’un pitch relativement original, dont l’exécution s’est montrée particulièrement réussie dans les premières quinze ou vingt minutes.
Le comportement des personnages semblait enfin crédible : il arrive des choses on ne peut plus inhabituelles aux protagonistes, et devinez quoi ? Ils en parlent à quelqu’un d’autre, a fortiori leurs meilleurs amis. Ils ne restent pas prostrés dans leur coin avec la vilaine bestiole/le meurtrier/la menace non-identifiée. Au sujet de cette dernière, j’ai beaucoup aimé sa forme : familière et néanmoins inquiétante, parfois distante et diffuse mais omniprésente et (initialement, en tout cas) imprévisible, elle génère immanquablement une tension constante et croissante, qui est à mon sens efficace tant qu’elle dure.
Et c’est là que le bât blesse. La répétitivité des situations et le naufrage progressif vers les clichés les plus agaçants du film d’horreur formaté aboutissent doucement mais sûrement à une banalisation du danger, et les réactions des personnages suivent cette courbe descendante. On sombre dans une hystérie bien trop maîtrisée, bien trop mécanique et structurée. J’entends par là que la panique s’emparant de n’importe qui confronté à cette situation est compréhensible. La façon dont elle se manifeste, succédant à un calme surréaliste du personnage principal, annihile à la fois sa crédibilité et l’empathie que l’on peut ressentir à son égard.
En découle un ennui de plus en plus palpable, à l’apogée duquel se situe ce que l’on voudrait sans doute être la séquence emblématique du film, celle de la piscine. Nul besoin de spoiler, après tout l’affiche est là pour ça, c’est une scène esthétisée et sensée receler le paroxysme de la tension accumulée depuis le début. Son problème principal est que le réalisateur a déjà crevé l’abcès dans les confrontations précédentes entre son antagoniste et le groupe de jeunes gens. S’ensuit un piège qui ne se contente pas d’être invraisemblable, il est également l’occasion de consacrer la stupidité maintenant avérée des personnages, qui paradoxalement avaient maintenu une sorte de cohérence interne aux premiers temps du métrage, y compris dans leurs réactions de panique.
Alors ce n’est globalement pas moche, ce qui explique ma relative clémence, mais c’est quand même mal joué dans l’ensemble et, comme souvent, je sanctionne pas mal le gâchis d’un concept initialement prometteur, et d’une personnification originale de l’horreur, tant dans sa forme que dans son modus operandi. J’apprécie assez le fait que l’on ne tente pas d’apporter la moindre explication à l’origine du mal, ni pourquoi il touche le groupe de jeunes gens. Ils ne nous infligent d’ailleurs pas l’insupportable questionnement du « pourquoi moi », ce qui est reposant.
Je suis en revanche profondément en désaccord avec le côté fun et parodique, particulièrement les volets pseudo-incestueux de l’intrigue, à mon sens inutilement bourrins et surtout en complète inadéquation avec le reste de l’ambiance. Cela fait pour moi sortir le spectateur de l’histoire, sans y apporter quoi que ce soit.
J’ajouterais que la dimension protéiforme de la créature est mal exploitée. Lors de l’exposition, on nous présente toutes les manières dont elle pourrait tirer parti de cette particularité : adopter l’apparence d’une personne connue pour approcher sa victime ou se fondre dans la foule. Lors de la scène où la police est appelée, je m’attendais à la voir se camoufler en policier, par exemple.
Problème : tout ceci est sans intérêt, puisque seule ladite victime peut voir ladite créature. Autre problème : elle apparaît souvent dans un lieu où, quel que soit le visage qu’elle adopte, elle sera immédiatement reconnue pour ce qu’elle est. Et cela, c’est sans même tenir compte du fait qu’elle est instantanément trahie par sa façon de se mouvoir, caractéristique par ailleurs intéressante puisqu’elle participe de l’inéluctabilité et de l’incertitude dans laquelle la victime est maintenue.
Tout ceci réduit les identités successives du monstre à un artifice peu savoureux, tout juste prétexte à montrer quelques femmes dénudées, et permettre une scène mère-fils aussi brève que gratuite. Ne suivant aucune règle précise, l’on pourrait se dire que le côté imprévisible de la bestiole contribue à la sensation de malaise ressentie par l’héroïne ou le spectateur, mais en définitive sa présence est toujours tellement incongrue dans le paysage, que cela gomme l’élément de surprise. Et cela aurait d’ailleurs dû être le crédo de la poursuite : l’assaillant est parfaitement identifié, c’est l’ignorance du moment et du lieu où il va frapper qui est angoissante. Ce mécanisme partiellement bien utilisé, mais parmi d’autres problèmes les transformations n’apportent rien d’autre qu’une surenchère malvenue.
It follows rejoint mon panthéon des films dont la hype n’est définitivement ni explicable ni compréhensible, encore un de ces essais modestes, plus ou moins estampillés Sundance, misant plus ou moins sur leur esthétisme et un pseudo-concept psychanalytique sous-jacent pour vendre un produit qui aurait pu être attractif par lui-même. Si toutefois l’on s’était donné la peine de rester fidèle à ses idées de départ, et ne pas céder à la facilité de clichés du genre, déjà surutilisés jusqu’à l’overdose, et ici recyclés sans grand talent (contrairement à un Conjuring, par exemple). Vraiment dommage.