Elia Suleiman erre dans les rues de Paris et New York avant de retourner à Nazareth et trimballe son mutisme comique comme un lointain descendant de Jacques Tati. En s'échappant de sa terre natale, son voyage se transforme en un périple éminemment burlesque : c'est un peu comme s'il trimballait également la Palestine avec lui, et surtout malgré lui, comme si on pouvait retrouver des petits bouts de son pays aux quatre coins du monde. Au lieu de trouver une échappatoire reposante, il ne fera que prolonger cette vie constituée de rencontres avec l'absurde.


L'humour avec lequel il compose ses portraits fragmentés s'articule largement autour d'archétypes divers. À peine arrivé en France, c'est le cliché de la diversité et de la beauté des femmes parisiennes qui envahit l'espace devant une terrasse de café (préalablement contrôlée et mesurée par une compagnie de policiers), avant que les rues ne soient vidées de ses passants et remplies de chars et autres artéfacts militaires pour le 14 Juillet. Aux États-Unis, c'est à la faveur d'un cauchemar que se révèlera le cliché d'une population armée jusqu'aux dents. Et de retour chez lui, c'est la jeunesse dansante dans une boîte qui cristallisera un petit bout d'espoir, étant donné qu'il ne verra pas le jour d'un véritable état palestinien (comme le lui a affirmé un voyant). Autant dire que ces poncifs internationaux ne brillent pas en soi par leur originalité... Pourtant, en extrayant tous ces petits détails issus de la scène quotidienne, Suleiman parvient à dresser un tableau plus complexe et attachant que la somme de ses parties, en travaillant de manière continue sa veine absurde.


Il traîne sa silhouette d'éternel étranger au milieu d'une multitude de situations insolites et étranges, en jouant sur la poésie des contrastes et de la douce incompréhension. Son caractère muet, à l'exception d'une scène dans un taxi new-yorkais, est évidemment un catalyseur pour une forme de burlesque à la Playtime (qui traite aussi de la thématique de l'uniformisation sous l'angle du burlesque), un état aphasique mi-amusé mi-curieux. Tout le film semble structuré par des motifs qui se répondent en jouant sur des effets de symétrie et de synchronisation capturés dans de très beaux cadres : si on peut y voir une certaine limitation, du point de vue du discours sur les sociétés un peu trop normées et ordonnées, It Must Be Heaven n'en transpire pas moins une douceur loufoque et une malice réjouissante.


http://je-mattarde.com/index.php?post/It-Must-Be-Heaven-de-Elia-Suleiman-2019

Morrinson
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le 29 mai 2020

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Morrinson

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