J'ai dû voir au moins une bonne douzaine de films de Lelouch, que ce soit à la télé pour les plus anciens ou au cinéma à partir des années 75 … Et c'est la première critique que je vais tenter sur SC.
Je dois avouer que le cinéma de Lelouch m'a régulièrement posé des problèmes existentiels. Un signe ? C'est que je n'ai jamais éprouvé le besoin de revoir un film de Lelouch.
"Itinéraire d'un enfant gâté". Vu en 1988. Apprécié sans plus à l'époque. Je viens de le revoir 36 ans plus tard et constate que je m'en souvenais assez bien.
Le film avait été un triomphe à l'époque. Notamment à cause de la prestation de Belmondo qui était, en quelque sorte, un résumé, une rétrospective des personnages qu'il avait pu jouer.
L'histoire, d'abord. Elle est de Lelouch. Au fond, elle est très simple. Un enfant trouvé qui commence sa carrière au cirque comme trapéziste de talent jusqu'à l'accident. Il se reconvertit en devenant un industriel de talent, aussi. Puis, il en a marre et prétexte un tour du monde à la voile pour disparaitre, jusqu'au jour où un ancien employé le reconnait, le poussant à un retour vers les siens. Mais pour en arriver là, Lelouch nous sert un scénario très alambiqué. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Par exemple, dans la première partie du film, se juxtaposent beaucoup de scènes tournées à différentes époques de la vie de Sam Lion (Belmondo) ainsi que du deuxième personnage du film, Al (Richard Anconina) dont on ne comprendra le rôle que bien plus tard dans le film. Comme Lelouch sait parfaitement manier une caméra et monter un film, le spectateur est pris dans un tourbillon d'images indéniablement splendides (au cirque, dans la rue, en Afrique, au milieu de l'océan). C'est bien, c'est beau et c'est même émouvant. À la revoyure, on se dit aussi que tout ça nous a bien éloigné d'une réalité plus banale voire sordide. Le vieux briscard (Belmondo) qui veut peut-être se retrouver seul face à lui-même. Ok. Il abandonne surtout les siens pour s'offrir un petit espace de liberté. Je n'aurai pas l'outrecuidance de m'interroger sur la crédibilité de cette histoire car enfin, cet espace de liberté nécessite des moyens dont l'utilisation est assez incompatible avec la volonté de disparition et de discrétion.
Et ce n'est pas non plus la deuxième partie qui va me convaincre avec cette amitié improbable entre le vieux briscard (Belmondo) et le jeune candide (Anconina). Enfin, amitié, faut voir … Pour être sympa, je vais dire que l'aspect intéressant de cette partie du film, c'est l'itinéraire initiatique d'un Richard Anconina mené de main de maître par Belmondo pour l'initier au job de patron à travers des scènes presque désopilantes pour apprendre à dire "bonjour" ou à ne jamais paraître étonné par des questions incongrues. Finalement, c'est vraiment pas difficile d'être patron.
Autre point d'écueil personnel, c'est la BO de Francis Lai qui m'a paru très inégale entre la voix agaçante d'une Nicole Croisille (idem pour Jean Guidoni) s'égosillant un peu trop et les belles chansons, tout-à-fait appropriées, de Brel.
Finalement, c'est un film où il suffit de se laisser bercer par le flot des images somptueuses du film, par les jeux d'acteur de Belmondo et de Richard Anconina, sans trop s'interroger sur la vraisemblance ni l'acceptabilité de l'histoire qui gâterait le plaisir (à défaut de gâter l'enfant).