Traiter un sujet aussi frais et douloureux dans les esprits est une gageure relevée avec brio par Abel Gance.
Le premier volet d'une trilogie qui ne verra jamais le jour ("Les cicatrices" et "La Société des Nations" ont été abandonnés faute de moyens et grâce au travail de sape de la censure) commence un soir de fête de la St Jean en été 1914 dans un charmant villge provençal.
Le film oscille entre un onirisme gracieux et un naturalisme gris. Les filtres colorés (jaunes, bleus, oranges ou verts) servent la distinction entre les deux mondes, celui dans lequel on vit et celui dans lequel on se réfugie. Le passé et le présent.
Les scènes filmées dans les tranchées montrent une réalité dure et violente loin du film de propagande habituel de cette époque de l'immédiat après guerre. Ceux qui sont restés à l'arrière ne sont pas caricaturés ni dépréciés mais traités comme des humains et non comme des traitres. .
Ce film montre avec brio que le drame d'un pays devient très vite un drame personnel et bouleverse les vies de ceux qui n'ont rien à y voir.
La rivalité de ces deux hommes que tout oppose à part l'amour qu'ils portent à une femme Edith aurait-elle évoluée de la même façon ? Evidemment non !
L'un, Jean Diaz, est un homme romantique, un poète en train d'écrire son oeuvre majeure au titre prophétique : "Les pacifiques" et vit en s'occupant de sa mère. L'autre, François est un homme de la terre, un rustre qui se montre violent avec sa jeune épouse, amoureuse de Jean mais mariée par son père.
Des les premières images, on sent que la menace pèse sur la joie et la tranqullité : La chouette, la danse macabre, les crocs du chien...Le tableau est dressé, il ne reste qu'à patienter. Et Bam ! La mobilisation générale... Elle se vit non pas dans la joie mais dans la fierté. Les déchirements n'épargnent personne. Les drames et la condition de femme à cette époque sont bien explicités à travers le personnage d'Edith, femme mariée, amoureuse d'un autre et enlevée par l'ennemi qui sera rejetée par les siens car salie.
Sachant que Abel gance a dû édulcorer certains passages, on ne sait pas quelle version est celle voulue par le cinéaste. Ceci explique pourquoi, on n'a pas droit à une vraie édition DVD encore aujourd'hui.