C'est l'histoire d'une main. Oui, d'une main. D'une main coupée qui va faire des pieds et des mains pour retrouver le reste de son corps. Et la gauche ne s'en soucie guère, bien rattachée qu'elle est, elle, chanceuse, au reste de ce corps.
Ce corps, c'est celui de Naoufel, un gamin dans Paris, un gosse que la vie n'a pas ménagé. Une vie qui nous sera contée à travers des flashbacks touchants pendant que Paris ressemble à un piège gigantesque pour ce membre esseulé.
J'ai perdu mon corps est une ode à la mémoire, à la mémoire de cette main qui n'a que le toucher pour se souvenir. C'est une ode à la mémoire de ce corps, la mémoire du sable qui s'écoule entre ses doigts, la mémoire des touches d'un piano et des sons qui les accompagne.
L'alternance de souvenirs proches et lointains dévoile une douceur mélancolique et dessine les contours de ce qu'on laisse derrière soit mais qui ne nous quitte jamais vraiment. Les sons d'un magnétophone viennent taper à la porte de nos propres existence et mettent en exergue les petites choses banales qui constituent la mémoire de nos sens. Il y a du beau dans nos vies. Elles peuvent être douloureuses mais elles n'en sont pas moins ponctuées de petits moments de grâce. Les saisir peut suffire à faire pencher la balance, à faire en sorte que même les deux genoux à terre, on ait envie de continuer, de voir un peu plus loin, de lutter pour conjurer le sort, de croire en un avenir meilleur.
Cette main personnifiée, c'est une fuite en avant, c'est à la fois une désillusion de trop et un dernier espoir, c'est un membre fantôme, un souvenir, le dernier souvenir du premier jour d'une nouvelle vie. C'est le cheminement d'une pensée faite de rêves et de désirs avortés, d'envies étouffées, c'est un sort à conjurer.
Cette main, c'est celle d'un apprenti qui se rêve maître de son destin, c'est celle d'un gamin anonyme qui voulait prédire l'envol d'une mouche, celle d'un gosse timide qui passe sans faire de vague, qui reste dans le tracé de sa vie car on a lu dans ses lignes qu'il ne pourrait en être autrement. Et pourtant, cette main, elle n'abandonne pas, elle y croit, elle a un but. Cette main, elle a perdu son corps mais ce corps, qu'a-t-il gagné ?