"J'ai perdu mon corps" est un objet filmique comme on en voit peu. On y va sans trop savoir ce que l'on va voir, on se demande pendant tout le film ce que l'on est exactement en train de voir, et quand le générique de fin apparaît, une irrésistible envie de pleurer toutes les larmes de son corps se saisit du spectateur sans que l'on ne sache trop pourquoi. Analyse d'une expérience hors du commun.
Alors oui, c'est un film d'animation, bien réalisé sans que l’esthétique ne soit particulièrement transcendante. C'est un récit presque muet, porté par sa musique, qui est une grande réussite. Au delà de ça, cela pourrait être seulement une histoire, celle de Naoufel, en elle-même intéressante à suivre. Alors, pourquoi cette main surréaliste qui parcourt Paris pendant 1h20? C'est la question que l'on se pose, intrigué, une grande partie du film.
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Pourtant, c'est cette main qui change tout. C'est elle qui fait la synecdoque dans le film (oui je sais, je vous ai perdus, mais pas de panique, vous allez comprendre), qui lui donne un sens profond et qui fait monter si justement la tension. Par la main, on désigne le tout par la partie: ce membre perdu, persévérant, maladroit, qui traverse la ville inhospitalière pour échapper à son destin et retrouver sa vraie nature, c'est un peu Naoufel, arrivé dans des conditions hostiles en France, qui tente tant bien que mal de s'en sortir, et redouble d'ingéniosité pour atteindre le but qu'il s'est fixé. Le parcours est semé d’embûches mais comporte ses moments de réconfort (comme dormir serré contre la main d'un nourrisson). La volonté du protagoniste - en version tout ou partie- émeut profondément mais lorsque l'on réalise que tous ces efforts ne seront pas forcément récompensés, que le déterminisme ne laisse pas toujours sa chance au pas de côté, cela fait aussi mal que l'amputation finale.