Comme pris d’une envie de faire un tour d’horizon du cinéma à l’internationale, et après avoir été convaincu par le Memories of Murder (2003) de Bong Joon-Ho, j’ai choisi de prolonger un peu mon voyage cinématographique au pays du matin calme. Parmi les autres films qui me faisaient de l’oeil, J’ai rencontré le diable, un film de vengeance dont le pitch d’intéressait tout à fait, et suscitait en moi une grande attente, surtout que le film a une très bonne réputation.
Tout démarrait pourtant si bien. En cette nuit enneigée, on ne se pose pas de question, la dépanneuse va arriver, le temps va passer tranquillement. Mais voilà, il était là, cet inconnu, à l’air pourtant pas farouche et serviable. Il était un brin collant mais ne semblait représenter aucune menace… Jusqu’à ce que sa vraie nature de monstre sanguinaire explose au grand jour. Généralement, dans ces films de vengeance personnelle, la traque s’étire sur tout le film, le héros remonte les filières, dégomme des méchants sur sa route jusqu’à arriver au grand manitou pour mener à la libération finale. Mais ici, la traque se mue en un véritable duel, aussi intérieur qu’extérieur. Traqué, le tueur, interprété par Choi Min-Sik, révélé sept ans plus tôt dans Old Boy, est une cible à la merci de son bourreau, le héros, joué par Lee Byung-Hun.
L’intrigue s’articule autour d’aller-retours où le héros va retrouver l’assassin de sa fiancée pour lui faire endurer le pire des calvaires. Si, bien sûr, cet affrontement se matérialise à travers des duels physiques, ils sont aussi mentaux, chacun hantant l’esprit de l’autre et poussant le sadisme à son paroxysme. C’est une véritable guerre où tous ceux qui se retrouvent directement ou indirectement concernés par cette sombre histoire risquent leur vie malgré eux. Kim Jee-Won n’hésite ici pas à user d’une violence parfois insoutenable et terriblement réaliste pour transmettre la souffrance au spectateur et tenter de lui faire endurer ce torrent de brutalité.
Mais toute cette destruction, cette violence visuelle et psychologique, permettent-elles de faire de J’ai rencontré le diable un chef d’oeuvre ? Pas vraiment. Il est certain que le film est bon, et réussi en divers points. L’histoire est intéressante, les acteurs sont bons, le film est réaliste et montre une nouvelle fois l’aptitude des réalisateurs coréens à associer parfaitement un style empreint de lyrisme et mélodramatique à quelque chose de plus brut et poisseux. Cependant, le film pâtit notamment de sa longueur, trop importante, faisant retomber la pression accumulée au début du film, et qui ne remonte vraiment qu’à la fin. La vengeance comporte trop d’aller-retours et d’étirements qui lui font perdre de son efficacité et de sa crédibilité. Le film, purement vengeur, ne nourrit pas vraiment d’autres propos qu’un « oeil pour oeil, dent pour dent » , ici toutefois magnifié par la prestation de ses acteurs, notamment un Choi Min-Sik en roue libre, et une vraie effusion de violence.
Comparé à d’autres modèles du genre, tels un Death Sentence (2007) ou même un Taxi Driver (1976), au format plus bref mais plus adapté et percutant, J’ai rencontré le diable reste un film de vengeance de référence, mais ne parvient pas vraiment à apporter quelque chose de vraiment nouveau, et d’apporter une véritable profondeur à son récit, comme avait su le faire Bong Joon-Ho dans Memories of Murder, où la rage profonde des personnages prenait place dans un contexte plus large. J’ai rencontré le diable fait donc quelques étincelles, propose quelques envolées, mais reste trop juste dans ses ambitions et atteint rapidement ses limites. Il reste, cependant, un film de qualité à voir.