Tirer dans le dos quand l’homme se déshabille et se trouve « nu sans son arme », astiquer son arme entre hommes, partager le lit de ce même homme, etc… : une lecture psychocritique assez simple met clairement en évidence une homosexualité latente dans ce western de bonhommes, dont les personnages se trouvent privés d’une femme absente, actrice occupée avec un metteur en scène peu digne de ce nom qui agit avec une distance surprenante face à la beauté séductrice et implacable de Cinthy (Barbara Britton).
Mettons de côté cette lecture en filigrane qui surprend pour un western de mecs plutôt durs à cuire, à la gâchette facile, somme toute anecdotique, même si elle est voulue par le réalisateur et osée pour l’époque. Samuel Fuller s’appuie sur une solide structure de tragédie et une écriture classique mais rassurante, pour mettre en scène un Robert Ford (John Ireland) frappé d’un dilemme irrésoluble (perdre son ami ou son aimée ?), victime de l’implacable fatum, condamné à la faute impardonnable, au crime suprême, tuant pour redevenir libre, pour expier ses fautes et se refaire une vie normale – à cause d’une femme, bien sûr, notoire origine du Mal. Or, sa trahison le condamnera à une souffrance supérieure : de fugitif admiré il passera à traître libre, conspué par le peuple, passant ainsi d’une prison physique à une prison morale, certainement plus douloureuse. De l’autre côté, face à cet homme faible, pour qui la femme a été une occasion de chute, l’admirable John Kelley, figure absolue du Bien, inébranlablement juste, honnête, loyal, probe.
Des réflexes américains manichéens et puritains traversent le film, cependant que les événements sont assez attendus. Néanmoins, l’ensemble est juste et précis, avec des idées et des non-dits audacieux.
6,5/10