Parfois, devant une suite, surtout des films qu'on a aimés, on se dit que leurs producteurs les ont envisagées sans qu'ils aient compris ce qui faisait l'intérêt des opus originaux. Totalement au hasard, c'est comme si on vous filait la suite d'un film qui causerait de magie, mais ce coup-ci sans magie. Ah oui, merde... J'oubliais : ça a déjà été fait avec Insaisissables 2 cette année.
A mon grand désarroi, ce Jack Reacher, qui aujourd'hui Never Go Back, est atteint de la même tare. En effet, pas mal de choses qui en faisaient tout le charme se sont évanouies dans la nature. Etonnant de la part d'un Tom Cruise producteur qui choisit avec soin ses projets. Etonnant car justement, dans la franchise Jack Reacher, pour moi du moins, il n'y avait rien à modifier, tant les ingrédients de la recette étaient justement dosés.
Et le film fonctionnait d'abord, et avant tout, sur son personnage éponyme. Sans doute projection de la star comme il semble se fantasmer, Jack Reacher était un homme de nulle part. Sans passé, sans attaches, qui allait là où ses pas le guidaient. Desserrant rarement la mâchoire, aussi. Et surtout, constamment à la manoeuvre, sans jamais subir la situation, même la plus dangereuse.
Never Go Back semble effacer de manière appliquée toutes les caractéristiques de ce qui faisait le charme de son Jack Reacher pour nager totalement à contre courant. Au point de lui coller aux basques une famille de substitution venant parasiter le récit à base de pseudo enquête. Et réduisant certains passages de l'oeuvre en concours de bites avec celle qu'il doit disculper, ou en séance de gestion de crise d'adolescence timorée d'une gamine qui a tout de la tête à claques. Gamine qui, au passage, mâche le boulot des enquêteurs en plusieurs occasions. La honte...
Cet aspect familial putatif de ce nouveau Jack Reacher ne lui rend pas service, d'autant que la partie enquête, celle pour laquelle le spectateur a payé sa place, se montre quant à elle d'un classicisme à pleurer dans son développement et d'un certain rachitisme dans son contenu, loin d'une première aventure trépidante où l'on en venait à soupçonner tout le monde d'avoir fait le coup. Aujourd'hui, la suite qui nous est présentée ne recèle aucune surprise et se paie le culot de transformer l'une des fondations de la franchise Jack Reacher en une poursuite poussive où le héros endosse le rôle de la proie et subit de bout en bout la situation. Difficile à avaler de la part d'un homme qui s'était illustré dans ses premiers exploits.
La réalisation d'Edward Zwick, que l'on a connu bien plus inspiré, n'arrangera rien : plate, convenue, sans aucune aspérité, elle ne relève que peu le spectacle proposé, très moyen, même si une ou deux séquences se distinguent, comme l'évasion de la prison militaire ou encore la seule fusillade existante. Elle ternira un peu ce nouveau Jack Reacher en mettant en scène un climax... Digne d'un règlement de compte en maison de retraite, entre deux pensionnaires arthrosés mais belliqueux, qui se mettent sur la gueule pour obtenir la meilleure place devant la télé du grand salon pour la rediffusion de la troisième saison de l'Inspecteur Derrick.
Tout cela pour dire que Jack Reacher Never Go Back, malgré une première partie qui se laisse suivre sans ennui et la présence de la jolie Cobie Smulders, s'avère au bout du compte extrêmement moyen, et en tout cas à des années lumières de son aîné. Au point d'imaginer, avec un léger trait d'ironie, que le sous-titre proposé aurait dû être un Never Come Back, qui aurait eu le mérite de persuader le spectateur déçu, victime d'un soudain syndrome de refoulement, qu'il n'existe qu'une seule oeuvre : la seule, l'originale, Jack Reacher.
Behind_the_Mask, de la suite sans les idées.