Pourquoi serions-nous enthousiastes à l’idée de voir un nouvel épisode de Jack Reacher ? Si le précédent volet a permis l’adoubement de Christopher McQuarrie auprès de Tom Cruise (il a quand même eu le droit de réaliser Mission Impossible 5), il en était tout autrement du résultat final, long métrage pataud et sans envergure, qui lorgnait sans honte du côté d’un Drive au succès phénoménal pour s’attirer les faveurs du public. Surtout, ce n’était pas un franc succès, et pointait du doigt les difficultés que Tom Cruise peut avoir à faire vivre une franchise sur son seul nom, quand ce n'est pas Mission Impossible. Jack Reacher : Never Go Back est donc une seconde tentative de séduire le public, tout en continuant sur la même lancée, à savoir un vigilante movie mettant en scène un homme viril et indestructible, qui aujourd’hui s’incarne comme un miroir de l’acteur qui l’interprète.
On peut très bien mépriser Tom Cruise pour sa constante tendance à la vanité et au culte de la personnalité. Il produit ses films, les interprètent et veille à ce qu’ils soient réalisés de sorte à le mettre en valeur, s’entourant de réalisateurs avec qui il s’entend très bien (Edward Zwick ici, réalisateur du Dernier Samouraï). Il y a ceci dit quelque chose de fascinant dans la démarche de l’acteur, car si il franchit parfois la limite, à trop faire référence à lui dans ses films, il arrive que le tout soit très drôle voire parfaitement approprié. L’image d’un acteur vieillissant, qui ne semble pourtant pas vieillir et qui s’amuse à nous le montrer, coûte que coûte. Malheureusement cette limite est encore une fois franchie. Avec sa très longue introduction et sa tendance sur-explicative de vouloir nous faire comprendre que Reacher est une "légende", le film prend déjà le versant de faire de l’acteur une figure centrale et hégémonique qui continuera de vampiriser toute la production. Cherchant à disculper une collègue accusée d’espionnage, Jack Reacher s’improvise (encore une fois) fugitif tout en s’accommodant d’une jeune femme, qu’il pense être sa fille, et qui deviendra dès son introduction, le seul enjeu d’un film sans la moindre tension ni découverte.
Car ce qui impressionne, comme c’était d’ores et déjà le cas dans le précédent volet, c’est de voir à quel point les scénaristes essaient de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, avec de sombres histoires de complot et de traîtres mal fagotés, que le héros arrive malgré tout à mettre au jour grâce à ses intuitions que lui seul est capable d’avoir. Si la démarche fonctionne parfaitement dans un film noir des années 1950 (parce qu’ils savaient écrire peut-être?), elle est ici éculée au possible, au point de faire tomber le tout au niveau du navet DTV. Et si l’on pouvait compter sur les scènes d’action dont on sait pourtant Cruise friant, on doit constater l’étendue du désastre face à une mise en scène pachydermique (l’impasse mexicaine de milieu de film est un exemple à ne plus jamais suivre) que le montage n’arrive même pas à rehausser, quand ce n’est pas tout simplement la mande originale qui s’avère être le seul élément rythmé desdites séquences. Point d’orgue de ce navet à la gloire de Cruise : une scène finale d’un homme seul, libre et sans contraintes, sur fond de soleil couchant. Difficile de faire pire.