Un très beau téléfilm que ce biopic sur Jacqueline Sauvage, tout en sentiments forts, pétri d'une savante mise en scène en va et vient entre passé et présent et d'une élégante photographie, disposant d'un casting intéressant: Muriel Robin (qui avait participé à la libération de son personnage), Yves Rénier (interprète et réalisateur de l'oeuvre), Olivier Marchal et Erika Sainte (impressionnant duo de la série suite aux Rivières pourpres, de retour), Philippe Résimont (fidèle acteur de Rénier, vu il y a deux ans dans La Mécanique de l'ombre) ou encore Armelle Deutsch (forte de son rôle de soeur maltraitée dans Chateaubriand).
Mais, s'il est beau, est-il du moins honnête ?
Il m' a semblé aussi orienté que le documentaire qui lui donnait suite sur TF1, chaîne responsable des deux oeuvres.
Le téléfilm de Rénier épouse la cause de Jacqueline Sauvage, le documentaire accable la victime meurtrière.
Alors qui croire ?
La véritable question est la suivante: doit-on avoir à croire une oeuvre, à redouter de se laisser berner ou doit-on attendre d'une oeuvre qu'elle transpose une affaire dans toute sa complexité ?
En tant qu'oeuvre partiale et présentée en tant que telle - c'est avouons-le ce qu'annonce d'emblée le sous-titre "C'était lui ou moi", ce téléfilm est une très grande réussite, étrangement portée par Olivier Marchal, qui va se perfectionnant de prestation en prestation. Mais c'est là le point ! Le film a pour tête d'affiche Muriel Robin, le porte-parole des mouvements gay et féministe, l'un des soutiens de Jacqueline Sauvage, une personne plutôt partiale que l'on a connue plus fine dans sa dénonciation des injustices et de l'intolérance (le sketch de Félix Lechat représentant l'un des plus parfaits exemples).
Plus partial encore, le film l'est dans ses choix esthétiques. La cour apparaît froide, sans coeur et même coupable par instants d'un indigne voyeurisme. Le choix de Philippe Résimont, connu pour ses rôles de truculents salopards (petit coucou à Mr-Potatoes ! ;) ), pour camper le borné et phallocrate procureur n'est pas non plus anodin. Et le métrage de se perdre dans sa partialité en opposant au discours froid mais en un sens acceptable de ce procureur (oui, elle était battue mais ce n'est pas un raison pour tuer un homme dans le dos, lâchement) un plaidoyer universel, transformant un meurtre sordide ou une défense lâche en un symbole féministe (libérons Jacqueline Sauvage, non pour elle-même mais pour l'ensemble des femmes battues dans le monde). Le parti pris s'auto-détruit lui-même avec un argument contre-productif que l'on sent venir de loin quand l'une des avocates fait preuve d'une colère déraisonnable avec son propre époux qui expose calmement et même craintivement ses propres arguments sans abonder dans son sens. Le mari en question n'a rien du méchant et cruel procureur, il défend pourtant une même idée.
Quelle que soit l'idée qu'on se fasse du procès, le problème vient de ce que le téléfilm veut absolument créer les camps des bons - partisans de Jacqueline Sauvage - et des méchants - anti Jacqueline Sauvage.
Ce que l'on aurait voulu voir, venant de gens aptes à jouer avec la narration, à créer des parallèles entre les époques, c'est un propos plus au-dessus de la mêlée, exposant tous les faits, pour faire des spectateurs les juges à la place des juges. Des jurés différés, en quelque sorte. On attendait de la reconstitution d'une affaire si sensible bien plus de nuance et moins de parti pris.
En conclusion, un télfilm visuellement réussi, flanqué d'un bon casting, intéressant du point de vue narratif mais qui manque de réelle profondeur, d'objectivité et surtout de nuance.
Car, comme disait Paul, nous voulons la Nuance encor, Pas la Couleur, rien que la nuance !