Jacquou le Croquant par pierrick_D_

Au départ,il y a un roman socio-mélodramatique rural écrit à la fin du 19e siècle par Eugène Le Roy.Mais l'inspiration de ce Jacquou new-look est sans doute plus à chercher du côté du feuilleton télé diffusé sur l'ORTF en 1969,qui,porté par la bouille craquante du petit Eric Damain,avait connu un immense succès.Cette nouvelle adaptation est très inférieure à son modèle,et ce pour plusieurs raisons.Le format tout d'abord.La fiction de Stellio Lorenzi se déclinait en six épisodes de 90 minutes,ce qui permettait de mieux raconter l'histoire,condensée ici en deux heures et demie,le pire étant que le film,au scénario mal équilibré,parait horriblement long et désespérément lent.Autre problème,le ton de la narration.La version 2007,bien dans la norme édulcorée du cinéma grand public français actuel,fait pâle figure comparée au climat vériste et âpre du feuilleton.C'est donc Laurent Boutonnat le responsable de ce désastre.Réalisateur,scénariste,auteur de la musique,il s'est beaucoup investi dans le projet mais ce troisième essai confirme qu'il est décidément peu doué pour le 7e art.Boutonnat,c'est le mentor de Mylène Farmer.Compagnon,auteur-compositeur,réalisateur des clips,il a depuis le début dirigé la carrière de la chanteuse,avec réussite d'ailleurs.Mais ses incursions dans le cinéma sont moins convaincantes.Il semble que ce qui l'a attiré dans "Jacquou le croquant" soit la reconstitution historique.On a vu dans certains de ses clips ou dans "Giorgino" qu'il affectionnait les tournages en costumes et les ambiances rétro.En résulte un film purement décoratif au look appliqué emballant avec joliesse une histoire négligée qui indiffère également le spectateur.Boutonnat truffe son film de détails sensés faire vrai qui finalement sont mis en évidence avec une telle lourdeur et une telle complaisance qu'ils ne font pas vrai du tout.Et hop,je fais passer un écureuil dans le champ!Et hop,voilà un chevreuil!Tiens,si on faisait des gros plans d'un marché typique d'autrefois avec plein de petits métiers disparus!Et une danse paysanne d'époque,ça vous dirait?C'est bien simple,tout a l'air bidon,même la pluie et le vent.Quant à l'intrigue,qui se déroule sur une bonne dizaine d'années et nécessite deux acteurs pour jouer Jacquou,elle est platement narrée et s'étire interminablement.Ce pauvre garçon collectionne les galères.Voyez un peu le tableau:il perd son chien,puis son père,puis sa mère,puis le curé qui l'a recueilli,et tout ça à cause du même homme,le méchant comte qui dirige la région et exploite et opprime la population.Il y a de quoi avoir la haine,mais Jacquou prendra son temps pour régler ses comptes avec le comte.Boutonnat privilégie le mélo lacrymal,le contexte social ne devenant qu'une vague toile de fond,et multiplie les scènes destinées à faire pleurer dans les chaumières,surtout dans la première partie relatant l'enfance du personnage.Comble de malheur,les deux interprètes du jeune paysan sont grave à la rue.Le petit Léo Legrand rame total et a tout du lapin pris dans les phares,tandis que Gaspard Ulliel atteint une certaine perfection dans l'inexpressivité et a autant de charisme qu'un oeuf au plat,ce qui rend absolument hilarants ces moments où les paysans soi-disant surexcités l'entourent en scandant "Jacquou! Jacquou!" comme si on était à un match de foot.Le reste de la distribution est constitué de comédiens de grande qualité venus gâcher leur talent pour quelques dollars de plus.Seuls les vilains,comme souvent,tirent leur épingle du jeu.Le regretté Jocelyn Quivrin incarne avec maestria un aristocrate fourbe et fielleux,alors que Bojana Panic,une révélation,parvient à conférer à son personnage de fille de bonne famille névrosée présence et sensualité.