Jamais plus jamais est une expérience curieuse, née d'un long conflit juridique entre Kevin McClory et EON Productions. Méprisé pour son opportunisme et son incapacité à proposer une réelle alternative aux Bond officiels, le film d'Irvin Keshner est à l'inverse apprécié pour sa capacité à faire revivre l'âge d'or d'une franchise en perte de repères, porté par un Roger Moore de plus en plus vieux et clownesque, en faisant revenir un Connery quinqua plutôt vaillant.

La confrontation avec Octopussy, le Bond officiel sorti à la même époque, est à ce titre assez révélatrice. Jamais plus jamais se fait laminer sur le terrain de l'action pure, John Glen étant un bien meilleur faiseur que Kershner de ce point de vue, et échoue totalement à faire de Michel Legrand, ici en mode minimum syndical, un ersatz convaincant de John Barry. Mais parvient à replacer le personnage dans un environnement moins délirant et un peu plus sexualisé (parfois jusqu'au léger malaise "pervers pépère" vu l'âge relativement avancé de Sean Connery).

Remake plan-plan d'Opération Tonnerre, Jamais plus Jamais réussit à atténuer le rythme pépère de son modèle en abandonnant l'unité de lieux (les Bahamas) de manière un peu artificielle, à tel point que le film paraît parfois un peu décousu. Mais la beauté de certains décors naturels fait presque oublier l'absence d'un production designer du niveau de Ken Adam. Octopussy, de son côté, se contente de proposer une vision très bariolée de l'Inde et les couleurs grisâtres et peu engageantes de l'Europe de l'Est.

Si les deux films tombent régulièrement dans le ridicule (le cri de Tarzan, les costumes de clown et de gorille dans Octopussy, la mort de Barbara Carrera et l'improbable salopette de Connery dans Jamais plus jamais), le Bond de Kershner propose par contre de bien meilleurs méchants que son concurrent : la sublime Fatima Blush aurait mérité de figurer parmi les bad Bond girls officielles, le Largo de Brandauer est à la fois séduisant et psychotique et le Blofeld de Von Sydow assez réussi quoique franchement sous-employé.

Que reprocher à Jamais plus jamais, finalement, si ce n'est de ne pas appartenir à la franchise officielle ? Certes, le film ne fait que reprendre les canons de la saga en n'y apportant que de très subtiles variations : le nouveau M est plus présomptueux que paternaliste, le nouveau Q est plus nerd que bougon, la nouvelle Moneypenny complètement transparente. L'idée de prendre en compte l'âge avancé de Sean Connery est intéressante, surtout à l'époque où Moore essaye tant bien que mal de faire oublier le sien, mais n'est jamais vraiment exploitée, en dehors des scènes de la clinique. Plutôt fringant malgré sa moumoute, Connery a l'air encore moins motivé que dans Les Diamants sont éternels et désavouera plus ou moins le film par la suite, de manière un peu injuste : même si sa réputation de meilleur Bond de tous les temps est indiscutablement usurpée, Jamais plus Jamais se situe dans une bonne moyenne par rapport au niveau général de la licence, bien au-dessus des pires Moore ou de la quasi-totalité des Brosnan.
Tonton_Paso
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le 14 avr. 2013

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