L'organisation SPECTRE fait chanter les puissances occidentales avec deux bombes nucléaires volées. James Bond doit la stopper.


Il était une fois un producteur irlandais dont la vie jusqu'alors tenait du roman, qui avait pour nom Kevin McClory. Un jour, il s'associa à Ian Fleming, le créateur de James Bond, qui cherchait le moyen d'adapter son héros à l'écran, et lui aurait soufflé l'idée du SPECTRE et d'un scénario de film à base de chantage à l'arme nucléaire que Fleming coucha sur papier à son insu, cela donna le roman "Thunderball" (Opération Tonnerre), même si des preuves que ça sortait bel et bien de l'imagination de Fleming ont émergé par la suite. Furieux de ne pas voir son nom sur la couverture (et les royalties qui vont avec, bien sûr), McClory fit un procès à Fleming et empocha le droit de disposer à sa guise du scénario d'Opération Tonnerre et du SPECTRE. Il accorda à Albert R. "Cubby" Broccoli et à Harry Saltzman, à la tête d'EON productions (à qui Fleming avait finalement accordé les droits sur son héros et tous ses romans -sauf Casino Royale et Thunderball-), le droit de faire filmer Opération Tonnerre en 1965 (à condition que son nom figure au générique comme producteur) et d'utiliser le SPECTRE dans les films suivants au vu du succès sans cesse grandissant de la série.


Broccoli et Saltzman ne purent utiliser ni Blofeld ni le SPECTRE après les Diamants sont éternels, mais cela ne dérangea pas longtemps Broccoli (Saltzman a quitté le navire en 1974), les scénarios avec ennemis à plans mégalomanes c'est facile à inventer, en témoignent l'Espion qui m'aimait et Moonraker, avant que la série ne revienne par moments sur des bases moins délirantes. L'ouverture de Rien que pour vos yeux en 1981 fut d'ailleurs une sorte de bras d'honneur où Broccoli fit tuer Blofeld sans pour autant le nommer pour montrer à McClory qu'il n'avait plus guère besoin ni de la nemesis chauve de 007 ni de son organisation criminelle pour assurer le succès et la pérennité de la saga.


En 1982-1983, McClory était enfin en mesure de lancer sa propre série concurrente, mais comment faire? En débauchant l'ancienne gloire, celui qui le premier a incarné Bond et avait quitté la série d'EON parce que fatigué du rôle et trop gourmand (ou pas écossais pour rien) : Sean Connery, alors en grand manque de rôles marquants depuis Un pont trop loin (et qui avait une furieuse envie de prendre sa petite revanche sur Cubby). Et en débauchant le compositeur attitré de la franchise, John Barry, qui refusa, voulant rester fidèle à Broccoli. Il a également loué les services du réalisateur de "L'Empire contre-attaque", rien de moins.


Ainsi, deux James Bond se firent face en 1983, un officiel, Octopussy, avec Roger Moore (qui songeait déjà à sa retraite, mais qui a été maintenu du fait de sa popularité en tant qu'acteur bien établi dans le rôle), officiel parce que doté des attributs principaux de la série d'EON (à savoir le logo 007 avec un pistolet sur le 7, le fameux thème à la guitare, le "gunbarrel" - canon de pistolet qui suit Bond jusqu'à ce qu'il tire, le prologue du film et la musique de John Barry bien sûr) et un remake d'Opération Tonnerre, Jamais plus jamais (dont le titre est issu d'une dernière parole de Connery à "Cubby" au moment de quitter le rôle qui lui a apporté fortune et gloire, il a aussi rejoint ce film pour faire un gros bras d'honneur à "Cubby"). Au bout du compte les deux films eurent du succès, même si Octopussy remporta le duel du box office avec quelques petits millions de dollars d'avance.


McClory, dans son obsession à combattre la famille Broccoli pour le contrôle de James Bond et sans grandes ressources légales, s'était rendu compte qu'il ne pouvait utiliser que le roman Opération Tonnerre, et il chercha d'abord à décliner le scénario sous toutes les formes possibles et imaginables, voulant faire des remakes à perte et incluant paraît-il des requins mécaniques avec rayon laser... Mais la MGM et les Broccolis bataillèrent à nouveau, et férocement, pour l'en empêcher juridiquement. Il envisagea même d'engager Pierce Brosnan au tout début des années 90 (un peu avant qu'il ne soit finalement engagé pour Goldeneye). En désespoir de cause, il essaya de récupérer rien de moins que les droits sur le personnage de Bond lui-même et sur la totalité de la série, en en réclamant la paternité, ainsi que des royalties mirobolantes sur la totalité des films, en vain. Il mourut dans un quasi-anonymat en 2006.
Connery quant à lui laissa tomber McClory sans regrets après le film (il aurait affirmé que travailler sur ce film pour lui c'était aussi gratifiant que nettoyer un WC) et relança sa carrière avec succès dans les années 80, avec des rôles où il saura tirer pleinement avantage de son nouveau physique de "vieux" en se laissant pousser la barbe : Highlander, Le Nom de la Rose, Indiana Jones et la dernière Croisade, A la poursuite d'Octobre Rouge...


Jamais plus jamais donc. Voici un remake d'Opération Tonnerre, qui tente d'en reproduire la recette tout en y intégrant de l'humour douteux (ironie sur Bond ayant atteint l'âge de la retraite -Connery avait 53 ans mais paraissait encore plus vieux...-, Bond aveuglant un tueur avec son urine...), une bagarre molle et très longue pour bien meubler avec le catcheur Pat Roach, un jeu vidéo de type "Risk" pour remplacer le traditionnel casino, en guise d'ennemis des pointures qui s'en sortent pas trop mal (Klaus Maria Brandauer, Max Von Sydow), une bombe habituée des séries TV (Barbara Carrera), et une nymphette inconnue jusqu'alors : Kim Basinger. La qualité d'images de l'ensemble (proche de celle d'un mauvais téléfilm de l'époque) n'atteint clairement pas celle de la série d'EON -problème budgétaire je suppose-. La chanson de Lani Hall je la trouve très fadasse (et pire que cela même, pour moi c'est un véritable ear worm).
Remake oblige, le scénario est sans surprise (ils ont juste changé les lieux, le nom des ennemis et de la girl, et la méthode du vol des bombes), et Palmyre c'est bien joli mais Sean Connery avec une moumoute très voyante et portant une salopette sur son torse nu ça suffit presque pour tuer un mythe.


Ironie de l'histoire, cet épisode bâtard est maintenant tombé dans le giron des propriétaires actuels de la saga, mais personne ne souhaite l'inclure dans le canon officiel. On les comprend.

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le 19 juin 2011

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Jackal

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