Derrière un titre accrocheur et la promesse d’une réflexion sur l’héritage de Jane Austen, Jane Austen a gâché ma vie se révèle être un film prisonnier de son propre dispositif. Loin de l’ironie mordante et de la finesse d’analyse qui caractérisaient l’œuvre de l’auteure anglaise, le film de Laura Piani ne fait qu’effleurer les thématiques qu’il prétend mettre en lumière.

L’histoire d’Agathe, jeune libraire et écrivaine en herbe, aurait pu être l’occasion d’un vrai questionnement sur le décalage entre les idéaux romantiques et la réalité du XXIᵉ siècle. Mais au lieu de cela, le personnage principal incarne le problème majeur du film : Agathe n’est pas tant une héroïne en quête de soi qu’une figure passivement soumise aux événements. Son attachement aux idéaux austeniens n’est jamais interrogé en profondeur, et son évolution apparaît artificielle, dictée par les exigences d’un scénario mécanique plutôt que par une réelle dynamique interne.

Camille Rutherford peine à donner une substance à un rôle écrit de manière trop flottante. L’intrigue amoureuse repose sur un schéma éculé – deux personnages qui se détestent avant de s’aimer – mais sans la subtilité qui rendait ce trope efficace chez Austen. Les dialogues, qui auraient pu être ciselés et piquants, s’avèrent au contraire insipides, manquant à la fois d’humour et d’émotion sincère.

Visuellement, Jane Austen a gâché ma vie ne parvient pas non plus à transcender son sujet. La mise en scène reste illustrative. Pire encore, certaines scènes semblent sorties d’un téléfilm sans ambition. De même, les quelques touches d’excentricité – un vieillard récitant des poèmes nu, des lamas cracheurs, des scènes de vomi inutiles – semblent plaquées sur l’ensemble sans réelle cohérence, comme si le film hésitait constamment entre la comédie absurde et la romance introspective sans jamais assumer un ton clair.

Le film semble vouloir proposer une réflexion sur l’écart entre le romantisme hérité d’Austen et les attentes de l’époque moderne, mais il finit par se contredire lui-même. L’émancipation d’Agathe reste superficielle, et la conclusion du film, au lieu d’apporter un regard neuf, reconduit finalement les mêmes injonctions qu’il semblait vouloir interroger.

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