Années 70.Serge Durand,propriétaire d'un élevage de chevaux dans le Sud-Ouest,entraîne son fils Pierre,espoir de l'équitation française,et l'accompagne dans ses compétitions à travers la France.Arrivant à l'âge adulte,le jeune homme privilégie sa carrière d'avocat et abandonne l'équitation,avant d'y revenir quelques années plus tard pour s'y investir à fond.C'est là qu'il choisit de monter Jappeloup,cheval appartenant à la famille Durand.En principe trop petit pour le saut d'obstacles,1m58 au garrot,caractériel et rétif à la discipline,l'animal se révèlera pourtant être un incroyable champion à la détente prodigieuse.C'est le début d'une fantastique aventure qui connaîtra son point d'orgue avec la médaille d'or aux Jeux Olympiques de 1988 à Séoul."Jappeloup" est librement adapté d'une histoire vraie.Quand on voit écrit "librement" au générique d'un film on commence à s'inquiéter car on s'éloigne déjà beaucoup de la vérité si ce n'est pas précisé.Démêler le vrai du faux entre le scénario de Guillaume Canet et la vraie vie de Durand serait donc un travail titanesque.Disons que l'histoire réelle est respectée dans ses grandes lignes et que les auteurs ont modifié,dramatisé et enjolivé pas mal de choses afin d'aboutir à cette excitante success story digne des réussites américaines du genre.Réussite formelle d'abord avec la réalisation du canadien Christian Duguay,habituellement spécialisé dans la série B d'action au rabais,qu'on n'a jamais connu aussi inspiré.Ses scènes sont parfaitement calibrées dans la durée,ce qui est rare dans l'exercice du biopic.Tout s'enchaîne assez rapidement,sans pour autant être bâclé,et les évènements sont traités de façon plus ou moins longue en fonction de leur importance et de leur intérêt,ce qui fait que les presque deux heures trente du film passent sans aucun ennui.Au-delà de cette belle maîtrise du montage et du découpage,la mise en scène alterne brillamment les formats de plans et les angles de prises de vues,ce qui donne une furieuse dynamique aux images,particulièrement lors des séquences de compétitions où l'on est au plus près des chevaux et des cavaliers,ce qui permet au spectateur de s'immerger complètement dans l'action.S'il n'était a priori pas évident d'intéresser le public avec un film traitant d'un sport élitiste,peu connu et pas forcément spectaculaire,le pari est gagné haut la main.Du reste,on comprend grâce au film les enjeux et les ressorts de l'équitation,activité qui est loin d'être aussi simple et facile qu'on pourrait le penser.Il faut de la technique,des mégatonnes d'heures d'entraînement,et les cavaliers doivent aussi disposer d'un solide sens tactique car de nombreuses options s'offrent à eux sur un parcours.Physiquement,c'est aussi nettement plus dur qu'on ne le croit,pour les cavaliers et plus encore pour les chevaux soumis à rude épreuve,les barres étant hautes et nombreuses et les parcours très longs.Le piège de l'hagiographie est adroitement évité,les qualités de Durand étant mises en valeur mais ses défauts n'étant pas éludés.Le gars se montre souvent arrogant,égocentrique,velléitaire et impulsif,ce qui fait souvent partie de la mentalité du champion.Forgé par les épreuves,il arrivera au bout d'une route semée d'embûches,de chutes,d'accidents,de blessures,de renoncements et de retours qui bâtiront sa légende.Sur le fond,le film parle certes d'équitation,mais aussi plus généralement du sport de haut niveau et des sacrifices qu'il nécessite,et surtout il est question de la passion,celle qui dévore l'âme, ne vous lâche jamais et vous donne au final vos plus grandes satisfactions.Ca parle aussi de l'amour sous toutes ses formes,celui de Serge et Arlette pour leur fils,celui de Pierre et Nadia,celui de Pierre et Raphaëlle,la jeune palefrenière,pour ce cheval de légende qu'est Jappeloup.Parce que ce n'est pas pour rien que l'animal donne son titre au film.Il apparait,dans ce sport très étrange qu'est l'équitation,que si le cavalier récolte les lauriers,c'est le cheval qui est le plus déterminant.On voit clairement que Jappeloup aurait pu tout gagner avec n'importe quel cavalier de haut niveau,alors que Pierre n'aurait sûrement pas eu la même carrière avec une autre monture.D'ailleurs,Durand était au départ considéré comme limité et Marcel Rozier,l'entraîneur national,voulait sélectionner Jappeloup mais pas son cavalier.Durand s'est imposé car il était propriétaire de l'animal et donc incontournable.Plus tard,une transaction échouera de justesse avec des américains prêts à payer une fortune pour acquérir le quadrupède.Ceci dit,l'osmose évidente qui existait entre l'homme et le cheval a décuplé leurs chances et optimisé leurs résultats.Douze chevaux incarnant Jappeloup ont été utilisés pour les besoins du tournage.Les comédiens sont en état de grâce,voire en lévitation.Il est vrai qu'il ne s'agit pas de n'importe quel rôle pour Guillaume Canet,passionné d'équitation qui fut dans sa jeunesse un cavalier de bon niveau.Il avait quinze ans au moment où Durand a triomphé à Séoul et ça l'a marqué durablement,au point qu'il a écrit le scénario et qu'il est à fond dans le personnage principal.La présence de la merveilleuse Marina Hands n'est pas non plus le fruit du hasard.Elle aussi a fait de la compétition équestre et elle a rencontré à Canet à cette époque,ils ont même eu une relation amoureuse.Elle était donc toute indiquée pour interpréter l'épouse du héros,celle qui l'a toujours soutenu et qui confirme que derrière la réussite des grands hommes il y a souvent une femme.Daniel Auteuil apporte une bouleversante humanité à Serge,père aimant,dévoué et compréhensif,alors que la charmante Marie Bunel est plus en retrait mais tient solidement le rôle de la maman inquiète.Lou de Laâge,qui joue Raphaëlle, est bluffante et donne un impressionnant relief à ce personnage en grande partie fictif,on lui doit de belles scènes d'émotion.Jacques Higelin est étonnant en Dalio,qui s'appelait en réalité Delage et était le premier propriétaire de Jappeloup,ainsi nommé parce qu'il était né dans cette ferme lui appartenant.Tchéky Karyo endosse avec son habituel talent le rôle ingrat de Rozier,gloire de l'équitation française qui a ensuite pris la direction de l'équipe nationale et ne s'est pas du tout entendu avec Durand,qui finira par l'évincer.On voit aussi passer Joël Dupuch,l'ostréiculteur du Bassin d'Arcachon que Canet avait fait débuter au cinéma dans "Les petits mouchoirs",ou Donald Sutherland en acheteur américain.Arnaud Henriet incarne Frédéric Cottier,coéquipier et ami de Durand en équipe de France qui était conseiller technique sur le film.Jean Rochefort effectue un caméo attendu dans la mesure où il était lui-même cavalier et éleveur de chevaux,et qu'il a connu Guillaume Canet dans ce cadre,à une période où le jeune homme n'était pas encore acteur.La reconstitution d'époque est excellente,évitant habilement de nous gaver de coiffures,vêtements ou autos vintage pour procéder par petites touches avec ces scènes où on regarde les compétitions à la télé dans des bistrots ou le choix de tubes d'alors bien choisis et envoyés au bon moment.Les apparitions du cavalier Hubert Bourdy,autre pote de Durand,procèdent de la même démarche car on le voit systématiquement avec une cigarette à la bouche,chose impensable aujourd'hui pour un sportif d'élite.Curieusement,il a les traits d'Antoine Cholet,acteur peu connu qui a débuté dans le désastreux "Touristes?Oh yes!" de Jean-Pierre Mocky.