Suggestion d'accompagnement sonore là ou là
Surprenant, Jarhead l'est tôt. Depuis hier, les images tourbillonnent dans ma tête, tel un ouragan reconstituant peu à peu ce beau mensonge qu'aura été la croisade américaine dans le Golfe. L'oncle Sam se pose en véritable sauveur dans ce conflit tandis que sur le terrain, les hommes ont parcouru tant de chemin pour ne trouver aucune vérité. Etait-ce un rêve, ou bien cette histoire de chasseur poursuivant sa première proie est une franche réussite ?
Les sentiers de l'amère mission
Le premier impact est visuel. Des tons généralement blancs/jaunes mais quelques exceptions, créant un contraste saisissant, d'autant que ces scènes sont le plus souvent magistrales (les geysers de feu la nuit, le cheval couvert de pétrole...) et évocatrices. Celui qui réalisera Skyfall quelques années plus tard fait montre d'une grande maîtrise technique et narrative. Une approche quasi documentaire habilement mêlée à une mise en scène spectaculaire par le biais d'une photographie de grande qualité. Très peu de shaky cam et pourtant nous sommes au cœur de l'inaction, dans un milieu hostile et pesant, un aspect qui influera grandement sur le moral des troupes. Ou quand des enjeux politiques priment sur l'humain, en témoigne la volonté manifeste du pouvoir US de sécuriser le pétrole avant de véritablement protéger les populations.
Les références se multiplient: Apocalypse Now et Voyage au bout de l'enfer (on apercevra même un extrait de chaque, plus court pour le film de Cimino pour une raison assez évidente), Cool as Ice (oui oui...), l'univers de Star Wars, etc...de nombreux «easter eggs» à l'image d'une citation de La Divine Comedie, ou encore le dialogue sur Metroid - détail toujours appréciable même si en l'occurrence le propos est erroné, le jeu n'étant pas composé de 9 niveaux en boucle mais de 5 environnements si mes lointains souvenirs sont exacts...ce qui ferait une belle occasion de le ressortir de l'étagère tiens, là n'est pas le propos cela étant. Il ne peut d'ailleurs s'agir de Super Metroid non plus, le titre étant sorti 3 ans après les événements du film, et la Super Nes quelques mois après l'opération Tempête du Désert – et voilà pour la parenthèse vidéoludique. L'influence d'un certain Full Metal Jacket est prégnante dès le début, à travers cet instructeur qui en fait des caisses, et à qui succèdera un Jamie Foxx qui s'en donne également à cœur joie, langage châtié qui ne jure pas en prime. Malgré cette profusion de références et d'influences, le film de Mendes conserve une identité forte, et certaines répliques me paraissent même déjà cultes, telles :
Lorsque Fitch demande à Swofford qu'est-ce qu'il est venu faire là, après l'avoir copieusement malmené: «sir, I got lost on the way to college, sir.»
Lorsque Sykes veut apprendre à ses recrues à évaluer une distance: «You take what you know, and then you multiply. Please don't use your dicks. They're too small, and I can't count that high. I don't wanna hear 400,000 inches.» ou le poétique et terriblement déprimant «The Earth is bleeding.» dans une scène qui longtemps me hantera.
Du sens et des larmes
Finalement on se retrouve face à un traitement de la guerre à la First Blood. A part une paire de bombardements, pas d'affrontements entre fantassins au sol, et sauf omission de ma part, la seule mort par balle intervient durant un entraînement. La violence est pourtant bien là, elle est psychologique et naît de la peur (gaz neuro, découverte de l'horreur pour nombre de newbies...) et en même temps d'une frustration. Nous assistons alors à une descente aux enfers d'hommes ne pouvant se lancer dans un combat alors qu'ils ont été conditionnés pour le faire. Frustration également, de perdre son entourage en étant loin de tout et en sachant pertinemment qu'il n'y a d'autre choix que de l'accepter. Frustration enfin, d'être témoins des pires exactions, comme de voir de simples civils calcinés et de n'avoir rien pu faire pour les sauver (une séquence en particulier m'a rappelé un certain Spec Ops: The Line). Chaque personnage réagit différemment mais nombreux perdent pied à un moment ou à un autre. A ce titre, Gyllenhaal confirme tout le bien - tousse - que j'ai toujours pensé de lui. A noter la présence du toujours cool Dennis Haysbert, et de Chris Cooper. Et l'absence de Sam Rockwell, qui avait bel et bien tourné une scène, coupée au montage. Une bande son dantesque, des Doors en passant par Wagner évidemment, et même Kanye West. Et ouais, cette fois il assure tellement que l'envie ne m'est même pas venue de lui dire «Poupouche Kanye !»
Les deux heures de film passent en une rafale, ce ne sont pas les quelques anachronismes et autres petites bourdes relevées ici et là qui me feront revoir mon jugement. Arrive alors la conclusion déchirante et le retour au bercail. Si les leitmotiv changent - «semper fi» devient «oorah» - le vétéran de Nam viendra tout de même partager un peu de la gloire de ceux qu'il semble considérer comme ses frères d'armes dans une séquence qui a bien failli me faire transpirer des yeux. Ils n'ont pas connu la même guerre, mais ils ont connu la guerre.
«Every war is different, every war is the same.»
«Toutes les guerres sont différentes, toutes les guerres se ressemblent.»
ADDENDUM : «Porc» aurait dû être mon titre initial si j'avais assumé et s'il collait mieux aux conneries que je raconte...