Et Jason s'écria : « Tu viens, Médée » !
« Tu viens, Médée » exactement comme mon épouse quand elle s'adresse à son amie imaginaire et que je fais comme si de rien n'était, évidemment.
C'est l'histoire d'un héros grec parti avec son équipage à la recherche d'une peau de mouton magique dénommée la Toison d'Or en Colchide une région de l'actuelle Géorgie. La mythologie est globalement bien respectée, ce qui mérite d'être souligné car ce n'est pas toujours le cas, même si certains aspects en sont modifiés, édulcorés, notamment toute la fin de l'histoire, quand Jason trompe Médée et qu'elle se venge, ce qui est effacé au profit d'un happy end.
La réflexion sur la condition humaine est fidèle à la conception des Anciens. Les humains ne sont que des pions aux mains des Dieux qui, du haut de l'Olympe, jouent avec eux comme on joue aux échecs.…et par conséquent «les Dieux sont cruels, mais il arrivera qu'un jour on se passera d'eux ».
Pour le casting seule Honor Blackman, dans le rôle de la déesse Héra et ex-James Bond Girl de Goldfinger a laissé une trace, à ma connaissance.
Et en conclusion du film il n'y a pas cette fois de moralisme hollywoodien : la victoire de Jason qui s'empare du totem d'un autre peuple est, si on y réfléchit, la victoire de la cupidité sur la tradition, celle de l'étranger sur l'indigène, du protégé des dieux sur le plus faible. Mais il faut se garder comme d'habitude de juger la mythologie antique avec le regard contemporain. Jason et les Argonautes est un film qui a gardé l’esprit d’enfance tout en évitant le ridicule. Les enfants sont fascinés par le mélange du merveilleux et du macabre, surtout lorsque les histoires relatées se terminent bien pour leur héros ou leur héroïne. Je doute cependant que les adolescents nourris des effets spéciaux de Star Wars et de la 3D puissent apprécier la simplicité des trucages, si inventifs et poétiques qu'ils soient.
Car l'intérêt du film, son trésor caché, ce sont les effets spéciaux et la technologie image par image (stop motion) de Ray Harryhausen qui multiplie les exploits techniques : tout en intégrant ses personnages animés avec des acteurs réels il réussit à donner vie à une statue géante aux mouvements saccadés (Talos), à des harpies volantes gloutonnes, à une dangereuse créature à sept têtes (l’Hydre ) dont les dents donnent naissance à sept squelettes qui sortent de terre armés et menaçants et entrent en lutte avec l'équipage. Certes dit comme ça ces séquences ne sont pas ébouriffantes. Mais il faut voir Jason à l'aune des moyens de l'époque où l'huile de coude et le dessin remplaçaient la technologie. A titre d'exemple Harryhausen et son équipe ont mis quatre mois pour animer les seuls squelettes pour une séquence de quelques minutes à peine.
En tant que producteur associé, Harryhausen a d'ailleurs exigé de garder le contrôle des séquences afin de ne pas risquer de voir ses trucages gâchés par un mauvais choix de cadre ou de montage.
Ce mariage inédit pour l'époque de l’art et de la technique méritait bien cet arrêt sur image.