J’ai vu un film étrange.
Dans le désert de Patagonie, un danois parlant espagnol recherche sa fille, la troublante Ingeborg, enfuie avec un soldat de garnison.
L’histoire de Jauja ne se développera pas plus, hormis une dernière demi-heure où l’atmosphère sur-western installée se télescopera avec une pirouette métaphysique qu’il vaut mieux taire pour ne rien gâcher.
Jauja est un film dépouillé, implacablement beau. Quasiment privé de musique, expurgé de toute action, il se compose d’un patchwork de paysages immenses, engoncés dans un format vignette, éclairés comme une scène de théâtre. Dans ce décor défilant à un rythme de morse se traînant sur une plage, Viggo Mortensen marche. Viggo Mortensen marche de plan en plan, inlassablement. Invitant moins à la contemplation qu’à un ennui extatique, il force le spectateur à participer à une errance qui tourne de plus en plus à l'absurde.
Je n’ai pas encore compris ce que cherche à exprimer Lisandro Alonso avec Jauja. Dénonciation minimaliste du colonialisme ? L’absurdité de l’espoir ? L’expiation par l’errance ? Le sentiment amoureux qui se mue en lien esclavagiste, en souffrance ? Tout à la fois ? Difficile de disserter à ce sujet sans évoquer une fin (qui ne secouera pas le spectateur pour autant, tout juste relever le sourcil).
Jauja est à voir en salle. Ne serait-ce que parce qu’elle retient emprisonné devant ce lent carrousel de plans séquences, qu’on aurait tôt fait de déserter fréquemment confortablement installé chez soi, pour un visionnage haché. Egalement et surtout parce qu’il est incroyablement beau.
Mais bon sang, parfois, c’était sacrément chiant quand même.