RRR l'année dernière, Jawan cette année... du peu de cinéma blockbuster-indien que je découvre en salle, je constate la nette supériorité de ces productions sur les films américains notamment. Sur le scénario de ce film (la prison, la critique par l'intérieur de l'institution, mais aussi du Gouvernement), ces innombrables rebondissements qui ont le mérite d'être ultra-lisibles, ou sur l'intensité du jeu des acteurs et la transe musicale... on fait pas le déplacement pour rien. Alors à ça, il faut ajouter ici la DOUBLE performance de Shahrukh Khan, et on a quand même du gros gros cocktail bien chargé.
C'est donc passionnant parce que l'histoire prend bien et soulève de beaux enjeux politiques (l'échec des institutions "démocratiques" à résoudre les problèmes actuels du pays), avant d'en explorer la cause (la mafia, les pots de vin, brefs les parasites qui profitent), et entremêler tout cela dans une histoire doublement familiale, par le père et l'épouse du héros. Sacrée acrobatie donc, qui n'est quand même pas sans faille.
Parce que malgré la lisibilité (de l'histoire, de la plupart des scènes), cela reste un cinéma du plan à la demi-seconde, sur-cuté donc, mais aussi sur-esthétisé. Le début dans le village est frappant, mais cela vaudrait bien pour tout le film : tout semble post-produit, retravaillé, artificialisé, des visages à la peau de tous les personnages, aux tons des scènes... Faut se mouiller la nuque et accepter le parti pris (que je ne m'explique que moyennement), si non la durée du film risque de piquer pas mal.
Et à côté de ça, là où RRR me semblait assez net et précis sur sa visée anticoloniale, ici on a affaire à une première partie somme toute marxiste et révolutionnaire (recours à des actions violentes, dont le but est la juste répartition des richesses)... qui vire au patriotisme-démocratique, juste après avoir souligné les carences de l'État. Alors je comprends, j'imagine que c'est plus facile à produire, mais ça gâche vraiment le reste, le "demandez des comptes à qui vous votez" final passe vraiment mal quand le même héros a passé 2h45 à tabasser tout le pays parce qu'il ne croyait plus en ces institutions...
Mais malgré ce confusionisme, ça reste toujours plus passionnant que toutes ces bouses américaines. Mais en parlant de ça, à travers cet acteur Shahrukh Khan, je crois déceler dans l'intimité du personnage un homme qui refuse de vieillir, qui va jusqu'à jouer le fils de son propre personnage pour toucher à l'éternité, qui utilise des masques pour changer de visage... allô Tom Cruise ? Vous voulez pas faire un film ensemble ?