Bluntman V Chronic

La dernière décennie fut une palette d'expériences pour Kevin Smith, allant de la comédie alimentaire aux essais horrifiques, sans jamais retrouver le succès d'antan. L'homme à tout faire indépendant revient pourtant en 2019 à ses premiers amours en réalisant la suite du cultissime Jay & Bob contre-attaquent, sorti 18 ans auparavant. Un retour aux sources bienvenu mais aussi un peu maladroit...

Allergiques à l'univers de Kevin Smith et aux blagues méta, passez votre chemin, cette suite étant réservée aux fans du View Askewniverse. Les spectateurs lambda n'y verront ainsi pas les innombrables références, quelles soient liées au film précédent ou à l'ensemble de la filmographie/vie du réalisateur (ses podcasts, sa perte de poids conséquente, sa crise cardiaque en 2018, le fait qu'il place ses potes et même sa fille dans ses films, etc etc...). Un peu trop surchargé, allant parfois extrêmement loin dans son délire méta, Jay & Silent Bob Reboot n'en demeure pas moins exaltant et foncièrement débridé, Smith critiquant une fois encore le système hollywoodien et les mœurs actuels avec la finesse qu'on lui connait.

Le scénario déjanté voit nos deux héros retourner une fois encore à Hollywood afin de récupérer leurs noms, vendus à la firme de production Saban Films. Dans leur périple, ils prendront avec eux une bande d'adolescentes dont la meneuse est la fille cachée de Jay, qui doit faire face à ses nouvelles responsabilités de paternel tout en cachant la vérité à sa progéniture. Se moquant éperdument de la mode des reboots tout en en étant volontairement un, le long-métrage se perd un peu trop dans les références et les redites, Smith déballant tout ce qu'il a dans la tête et sur le cœur pour un résultat un poil trop hasardeux en dépit de séquences souvent drôles et de cameos inattendus (Ben Affleck faisant une ode au fait d'être parent, Chris Hemsworth qui s'autocongratule, ce pauvre Val Kilmer réduit à une parodie de son Batman de 1995, l'hommage poignant réservé à Stan Lee...).

Plus méta que jamais, incorporant les films de films dans le film, Jay & Silent Bob Reboot peut dérouter le nouveau venu ou épuiser le fan, la demi-mesure n'étant pas du tout de mise ici. Reste tout de même du long-métrage un agréable retour à la comédie pour Kevin Smith qui va enchaîner par ailleurs avec le troisième volet de Clerks et la suite des Glandeurs. Volonté de renouer avec le succès d'autrefois ou crise tardive de la quarantaine ? Un indice se situe dans le film.