C'est pas parfait, mais on sent la volonté sincère de la part de Kevin Smith de poser une oeuvre synthèse de sa carrière, non sans une bonne dose d'autoderision.
C'est peut-être pas aussi drôle que ne furent ses films passés majeurs, au moins jusqu'au 1er Jay & Silent Bob et Clerks 2, mais, un peu comme Dogma et les deux épisodes de Clerks, ça renferme un propos de fond plus mature qu'il n'y paraît, ici en rapport avec les relations parentales.
Comme d'habitude, Smith ne se prive pas de tacler tout le cinéma hollywoodien, mais il a l'honnêteté de n'épargner ni sa personne (notamment le fait qu'il soit devenu vegan), ni ses créations et ses personnages, ni ses fans. Tout y passe: l'absence de prise de risque artistique, l'utilisation de la diversité comme cache-misère, le gender-swap à but marketing, les reboot et les remakes, Netflix et la VOD en général ...
Pour quiconque connait ses oeuvres et l'univers qu'il a bâti, c'est un bonheur absolu de fan service. Presque tous ceux avec qui il a collaboré depuis 94 à nos jours sont, ou présents ou évoqués d'une manière ou une autre. L'une des plus hilarantes référence mentionne un célèbre Tom qui jouera bientôt dans une série tv à gros budget et ... je n'en dis pas plus.
Smith n'a d'ailleurs pas loupé l'occasion de montrer un de ses héros de la vraie vie, qui fait ici, ce que je considère comme l'un des cameos les plus touchants de ce grand artiste que la pop culture a célébré vigoureusement au cinéma depuis plus de 20 ans.
Le scénario ? C'est vrai que je n'en ai pas dit grand chose, mais en soi, il est aussi stupide que celui du premier Jay & Silent Bob, du moins au départ: les deux dealers qui ne savent rien faire d'autre doivent une fois de plus courir à Hollywood pour empêcher la réalisation du reboot d'un film sur Bluntman & Chronic, adapté de leurs personnages. Au passage, Jay et Bob vont croiser la route d'une troupe de jeunes filles militantes qui se rendent elles-aussi là-bas (ça devrait rappeler quelque chose aux fans du 1er volet ...).
Un gros "défaut" du film, si on peut le considérer comme tel, c'est qu'il exige de bien connaître la filmographie de Smith pour l'apprécier a sa juste valeur. Mais comme c'est évidemment mon cas, j'ai adoré. Après, on pouvait déjà faire ce reproche là à tous ses films depuis Dogma, en tout cas, à tout ceux où figurent les deux personnages.
J'ai aussi beaucoup aimé le regard moqueur, mais tendre que le cinéaste lance à ses "échecs" artistiques ou commerciaux (Jersey Girl, Cop Out ainsi que les récents Tusk et Yoga Hosers s'en prennent plein la gueule). Après, j'adore ce qu'il fait, je lui pardonne tout (enfin ptet pas Red State, ni Cop Out).
Jason Mewes et Kevin Smith, qui incarnent les deux héros ont sacrément vieilli. C'est d'autant plus flagrant chez Mewes sur qui le combo cheveux longs/bonnet/jogging fait vraiment tâche, mais après le ridicule a toujours fait partie du personnage. L'implication d'Harley Quinn Smith (fille de Smith dans la vraie vie) est bienvenue, même si imparfaite, pour jouer l'émotion c'est pas encore gagné, la demoiselle a quelques progrès à faire. Pour le sarcasme permanent par contre bravo.
Enfin, le film est aussi une évidente déclaration d'amour à la culture du comic-book et tout ce qui l'entoure, les superhéros en particulier. Là non plus, sans se priver de lancer quelques petites piques au genre et son omniprésence dans le paysage cinématographique mondial.
On pourra reprocher tout ce qu'on veut à Smith. Il a tenté d'expérimenter avec plus ou moins de succès artistique et commercial, mais c'est définitivement dans son Viewaskew Universe que je l'aime plus que tout.