À l'instar de Jean Rollin (dont les travaux sont pourtant incomparables hormis un certain attrait pour les scénarios érotico-horrifiques), peu de gens apprécient le travail de Jesús Franco. Il y a pourtant d'excellents longs-métrages dans la filmographie du cinéaste espagnol, dont son œuvre la plus personnelle, La Nuit Des Étoiles Filantes (stupidement titrée Christina, Princesse De L'Érotisme dans sa version director's cut, puis finalement intitulée Une Vierge Chez Les Morts-Vivants en proposant un montage n'ayant ni queue ni tête et d'inutiles ajouts orchestrés par... Jean Rollin, justement), mais aussi les très bons Venus in Furs et Plaisir À Trois, exquis et brutal conte érotique librement inspiré par les écrits de Sade en ce qui concerne le second (excepté le titre, le premier n'a rien à voir avec le célèbre roman de Sacher-Masoch).
Malgré sa médiocre réputation, je me suis néanmoins procurée le Blu-ray de Je Brûle de Partout, réalisé en 1979 et restauré en HD dans sa version intégrale. En m'attendant à une œuvre X aussi rébarbative et vide de sens qu'un discours de Marlène Schiappa, quelle ne fut pas ma surprise de tomber sur l'un des films les plus méchamment pervers et réalistes de Franco.
Narrant le kidnapping et la séquestration d'une jolie adolescente prénommée Jenny, magistralement interprétée par Susan Hemingway, le métrage aborde intelligemment le sujet de la traite des blanches en ne lésinant pas sur l'horreur que subissent les victimes. Droguées, battues et régulièrement violées avant d'être livrées à de riches pervers sexuels, ces femmes abandonnent toute dignité en s'accrochant à un hypothétique espoir, celui de survivre à cet enfer.
Passionné de jazz, Franco illustre les longues scènes orgiaques particulièrement dérangeantes avec de fabuleuses improvisations du genre, offrant au film cette part d'étrangeté dont le cinéaste reste le maître incontesté depuis Venus in Furs. Mais point d’onirisme ici, juste de la cruauté humaine pour une forme d'avidité financière outrageante liée à de la pure perversion sexuelle. Tout y est infâme, dégradant et violemment révoltant sans que le film ne sombre une seule seconde dans la pornographie la plus facile qui soit. Le malsain y est roi et cette pauvre petite Jenny ne peut en être que son esclave. Drôle de film.