Ce pamphlet antimilitariste se présente comme un ensemble de saynètes qui sont autant de charges contre le monde capitaliste assoiffé de guerres pour se remplir les poches. D’un côté, une famille de militaires, de religieux et de chefs d’entreprise ; de l’autre, le mauvais élève de la famille Pierre Richard en fils d’industriel raté car il travaille dans le social. Si le propos est grotesque à force d’être caricatural (à l’image de sa chanson avec les méchants et les gentils ou de son titre idiot), le film est raté car il enfile les sketchs absolument pas drôles. On n’est pas chez Tati ou chez Charlot ici. Confronté au monde moderne, notre Pierrot rêveur fait le pitre mais ne fait jamais rire, à l’image d’une dernière scène où son fou rire idiot semble complètement forcé.
S’il a conçu un personnage lunaire attachant, Pierre Richard se révèle presque toujours un piètre réalisateur car un piètre scénariste. Le scénario qu’il a imaginé ici n’avance pas. Il ne raconte rien mais enchaîne les idées collées les unes aux autres, lesquelles ne constituent jamais une péripétie. L’humour s’appuie sur des potacheries indigestes, un comique de geste dépassé, quelques grimaces, quelques gesticulations et sur une galerie de personnages qui sont autant d’archétypes. De nombreuses séquences n’ont aucun sens (les déguisements successifs de Pierre Richard pour tenter de découvrir ce que font ses « p’tits gars » dans l’usine), certains gags n’ont de pertinence que dans le cinéma muet, la voix off qu’il utilise par endroits n’apporte rien.
Non, décidément, à une ou deux exceptions près, les films de Pierre Richard n’ont pas de consistance et il n’est jamais aussi drôle que lorsqu’il est mis en boîte par Francis Veber, Yves Robert ou Gérard Oury. C’est dommage car il a un talent inouï. Le souci, c’est que dans son cinéma, il est trop enfermé dans une idéologie post soixante-huitarde ringarde et lourdingue qui associe davantage son travail à celui de Jean Yanne ou des Charlots (qui font ici une apparition, c’est dire) qu’à celui d’un Jacques Tati auquel on l’a souvent, à tort à mon sens, comparé. Et quelle tristesse de ne même pas réussir à sauver le toujours excellent Bernard Blier !