En quelques scènes rapides, le décor est planté : un boulanger belge fait venir chez lui de Buenos Aires un escort argentin. C'est ce point de départ impossible qui permet à David Lambert de construire un film entre la terre et les étoiles, cruel, tendre et burlesque.
Henry le boulanger, Lucas l'escort et Audrey la serveuse forment le trio singulier de ce conte sur l'amour, la solitude et l'espoir. Trois aspirations différentes, trois regards sur la vie, trois attentes, trois personnages contrastés se croisent, se rencontrent et s'opposent dans l'atelier du boulanger, son appartement, celui de la serveuse.
Ancré dans une Belgique tangible mais comme hors du temps, Je suis à toi a des allures de tragi-comédie. Le couple Henry et Lucas, tel Laurel et Hardy, fonctionne par contraste, le jeune apprenti comme désaccordé, perdu, fougueux et arrogant, le gros boulanger faussement naïf se raccrochant à ses chimères. En retrait d'abord, puis de plus en plus présente, Audrey joue l'attente avant de se dévoiler.
Le vrai sujet, c'est l'émancipation, le possible salut, la reconstruction. On se parle à peine, pas clairement, on se froisse, on s'engueule, mais rien n'est vraiment dit. Le ton est aigre-doux, comme un combat au ralenti. Et puis parfois, Henry chante, Lucas rit, Audrey plaisante.
Beau film donc, fragile, léger et tendu, une fable contemporaine portée par des comédiens d'une grande justesse, Nahuel Pérez Biscayart instable puis bouleversant, Jean-Michel Balthazar tendre mais calculateur, Monia Chokri à fleur de peau...