Après un premier film dramatique, mais au titre déjà très imagé, Où est la main de l’homme sans tête, les frères Malandrin, Stéphane et Guillaume, passent pour la seconde fois à la réalisation avec une comédie absurde et carrément barrée : Je suis mort mais j’ai des amis. Un film de potes, de motos, de bières, mais aussi d’avion et surtout de train. La première rencontre du film est étonnante : un vieil innu au rire déployé vient nous parler de Pete Best, l’ex-batteur des Beatles, soit le plus malchanceux du monde. On est face à une grande plaine, cette narration servira de fil conducteur au film. Deuxième scène, des « vieux » rochers sur scène, déchaînés. Un chanteur charismatique, de la musique, de la sueur et … de la bière. Voilà l’euphorie des premières minutes de ce film, le contrat euphorique étant tenu jusqu’au bout. De retour en voiture, les quatre membres de « Grand ours », un peu à la Trust, s’offrent une petite virée. Fatale pour le chanteur. Qu’importe, Yvan, Wim et Pierre sont bien décidés à aller jusqu’au bout du voyage, même avec Jipé en cendres dans un sac en plastique. Entre temps, Dany le petit ami (et militaire) caché de Jipé s’invite dans l’avion. Dès lors, tout se met à mal aller, à partir dans tous les sens. Le film suit alors le parcours d’Yvan, toujours aussi étonnant Bouli Lanners, l’homme qui ne renonce jamais, même quand tout paraît partir à vau l’eau. Yvan va devoir ouvrir les yeux sur une réalité, remettre son amitié en question. Le tout est baigné dans un humour pas toujours très fin, aux gros traits. Les frères Malandrin font en effet reposer leur film sur un comique de répétition (la perte des cendres au fur et à mesure du film, la peur des avions, le rock …), pas toujours très inspiré.
Les ressorts comiques de Je suis mort mais j’a des amis jouent beaucoup sur des « clichés » belges : bières, frites, fort accent, personnages comme des adorables nounours ect…On y suit des personnages poursuivis par des péripéties plus ou moins inattendues, le voyage comptant plus que la destination finale puisqu’on est dans un road movie. Au fil des discussions qui les confrontent et des situations absurdes censées nous faire rire à tout bout de champ, les personnages se parlent, se reprochent beaucoup de choses et finissent, bien entendu, par se retrouver. Les personnages vivent un deuil et tentent de s’en dépêtrer, tant bien que mal. Ce deuil-à est d’ailleurs consommé(aussi métaphoriquement que réellement) avec vivacité, refus de l’affronter aussi. L’objectif principal étant de réunir Wim (Wim Willaert) et Yvan (Bouli Lanners) à l’écran comme dans le film. Les deux acteurs portent le long métrage sur leurs épaules, tant leur jeu et leur côté barré semble suffire à créer nombre d’effets comiques. Quand ce petit monde se retrouve bloqué dans un train à la destination floue (officiellement, c’est Montréal), les deux réalisateurs dressent alors quelques portraits en surface, dont la femme rencontrée et qui ne ménage pas ses mots face à l’écriture d’Yvan. Les personnages s’y lâchent, surtout celui du militaire, sérieux en apparence, mais toujours prêt à fumer un pétard ou deux. Fou rire généralisé dans le train, pas forcément dans la salle…
S’ils n’atteignent jamais Los Angeles, et que le film se resserre sur un trio, pas celui qu’on imaginait au départ, abandonnant au passage quelques personnages (qu’étaient-ils venus faire là ?), les « héros » de cette épopée burlesque se retrouvent dans les paysages du grand nord américain. Un décor choisit et plutôt étonnant pour une telle comédie. Ils y perdent tous leurs repères et repartent ainsi sur de nouvelles bases. On sent bien que les frères Malandrin ont voulu se jouer des poncifs en inversant les personnalités attendues des personnages. Ainsi, Yvan se révèle assez vite être plus rigide sur les valeurs (celles du rock), que ne l’est en réalité Dany sur les règles strictes du militaire. Pourtant, ça ne marche pas toujours car le film est assez linéaire dans sa progression et qu’il manque parfois un peu de rythme, les blagues ne volent en plus jamais très haut. Quand l’émotion affleure, elle est presque maladroite. Cette bande de pote, n’est pas faite pour les sentiments purs, ça se voit dès le début, résultat tout est tourné en ridicule. Pourtant, le film marche assez bien, dans le sens où il remplit son contrat, s’enfonçant de plus en plus dans le grand lessivage qu’il veut faire vivre à ses personnages, perdus dans de grands espaces. On y fait quelques belles rencontres, comme avec « Marie-Soleil. Pas la langue dans sa poche, cette femme donne un coup de crampons au film comme à Yvan. Dans la vie, Marie-Renée André, qui interprète Marie-Soleil, est une innue (une des tribus autochtones du Canada). Véritable ouragan, elle vient presque sauver ce film, en donnant à Yvan la force pour repartir du bon pied. La musique – le rock surtout – tient également une place importante dans le film, tout comme la vie. On se relève ici de la perte, le rock n’est pas encore mort, l’amitié résiste. Ces rockers-là ont d’ailleurs, tels qu’ils sont décrits, une certaine résistance au temps qui passe, au monde extérieur, l’ambiance des concerts est d’ailleurs merveilleusement bien retranscrite et ce, dès le début. Les textes de « Grand Ours » sont en français, ils ont traversé 30 ans, ils leurs ressemblent, la musique du film aussi. Et quand ils se frottent enfin à la vie, la vraie, ils oublient de bien se méfier des véritables ours… Mais ça c’est une autre histoire, celle qu’un innu espiègle est toujours prêt à vous raconter. Il n’y a plus qu’à faire le voyage jusqu’à Schefferville, en train bien entendu. Petit film, petit rire, mais grands acteurs et voyage.
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