Je suis timide, mais je me soigne est le quatrième film écrit et dirigé par Pierre Richard. Il a débarqué sur nos grands écrans durant l'été 1978 soit quelques années après les premières réalisations du comédien qui s'étaient rapidement enchaînées. Celui-ci fait ici le choix de partager l'affiche et de créer un duo avec Aldo Maccione qui n'est pas encore une grande vedette malgré son rôle emblématique et son numéro d'Aldo la classe dans L'aventure c'est l'aventure de Claude Lelouch en 1972. Cette collaboration qui préfigure d'une certaine manière le fameux duo qu'il constituera avec Gérard Depardieu dans la décennie 1980 est aussi une continuité à la critique que Pierre Richard émettait à cette époque envers d'autres vedettes du cinéma à qui il reprochait de s'accaparer les scénarios et les projets et de ne laisser que des miettes aux autres acteurs. Ne citant personne, nous pouvons néanmoins imaginer sans trop se mouiller Delon, Belmondo ou de Funès comme étant les destinataires.
Pierre Richard choisit délibérément d'abandonner le côté contestataire et politique qui imprégnait ses précédents métrages afin de se consacrer exclusivement sur la comédie et le gag. Principalement visuel, ce-dernier est évidemment influencé par le burlesque.
On suit donc les pérégrinations de Pierre, un modeste caissier dans un grand hôtel affreusement timide qui tombe follement amoureux d'une jolie cliente en apparence bien plus riche que lui et d'une classe sociale supérieure. Victime d'un coup de foudre, il décide de la suivre dans sa tournée des plus prestigieux établissements et par la même occasion de s'offrir les services d'une espèce de psychologue/coach charlatan. L'occasion de naviguer entre l'hôtel Negresco de Nice et le Casino de Deauville entre autres et d'apprécier le luxe à la française.
Sur le papier on est donc face à une sorte de road movie initiatique où le personnage principal va tout mettre en œuvre pour vaincre sa timidité. Co-écrit par Jean-Jacques Annaud et Alain Godard le récit manque cependant vraiment de rythme et de panache.
Indubitablement il y a pourtant une batterie de séquences mémorables parmi lesquelles celle de la pétanque avec Robert Castel, celle du numéro d'assiettes ou bien celle du restaurant avec Jacques Fabbri. Jacques François est lui excellent en maître d'hôtel infléchissable et pince-sans-rire. Le problème est que tous ces petits numéros sont noyés dans une écriture un peu foutraque et dans ce qui est en définitive un scénario bien brouillon, donnant l'impression malvenue d'assister à une succession de sketches indépendants. Formellement c'est statique, pas très inspiré et curieusement découpé à de multiples reprises même si la photographie et les décors rattrapent l'ensemble, créant le dépaysement pour le commun des mortels et le spectateur dont je fais partie non habitué à ce type d'établissements.
Involontairement le film met en lumière l'arnaque de la figure du coach en séduction qui pullule dans notre monde contemporain et peut être vu comme une critique sociétale avant-gardiste. Aldo Maccione est vraiment bon dans ce rôle d'affabulateur aux conseils fallacieux et il y a une vraie dynamique et une entente entre les deux comédiens qui prennent clairement du plaisir. Leur objectif est de mettre le grappin sur Agnès, une sorte de Vénus inatteignable jouée par la belle Mimi Coutelier qui pullule d'hôtels en hôtels.
Ayant longtemps été très timide dans ma jeunesse je n'ai pu m'empêcher de me reconnaître dans certains comportements de Pierre et d'y voir d'une certaine manière une personnification un peu cathartique.
Considéré comme l'un des films de Pierre Richard les plus faibles, il y a tout de même matière à prendre dans ce Je suis timide, mais je me soigne à fortiori lorsqu'on est amateur du comédien ou plus généralement de l'humour burlesque sans prétention ce qui est globalement mon cas.