Walter Salles réalise une œuvre très dense, écrite comme un avertissement au durcissement progressif des régimes politiques à travers le monde. Il ne produit pas pour autant une histoire aux résonances tragiques, mais montre les moteurs d’une humanité qui poursuit son chemin avec, parfois, des rencontres merveilleuses de personnes qui s’opposent à la tyrannie dans le silence. Le réalisateur ne cache pas le caractère résolument militant de son film. Pour autant, le fait de témoigner des ravages de la dictature à partir du quotidien fragile d’une famille rend les choses beaucoup plus fortes que la seule restitution d’images de militaires dans la rue. Le spectateur est en permanence étreint par ces scènes d’intérieur où se joue le drame d’une famille qui ne peut pas faire le deuil du père disparu et tente de se reconstruire malgré la mécanique de la dictature qui pèse sur le passage des jours.

"Je suis toujours là" est un film vertigineux et flamboyant. Malgré une mise en scène plutôt très classique, le réalisateur ne succombe pas aux poncifs du mélodrame. Les personnages dégagent au contraire une très grande dignité et une ferveur, teintée d’espoir de retrouver un jour l’homme disparu. Le récit plante d’ailleurs le décor dès le début avec cette scène terrifiante où l’on assiste à l’arrestation arbitraire de la fille aînée avec ses camarades, suspectés comme d’autres jeunes de participer à ce que le régime nomme comme du terrorisme. On suit attentivement le huis clos de cette maison familiale où les jours, les minutes s’écoulent dans une tension impressionnante.
"Je suis toujours là" bénéficie de l’étoffe d’un roman familial avec, au cœur du drame, le portrait magnifique d’une militante courageuse qui, au nom de l’éducation de ses enfants, poursuit un inlassable combat pour la justice et la protection de ses enfants.
Par ailleurs, le récit se transforme en un véritable plaidoyer féministe qui permet de comprendre que les démocraties évolueront non pas avec les hommes, mais la voix tant silencieuse que persévérante des femmes. Il suffit de penser à la lutte que mènent par exemple les jeunes femmes en Iran pour leur émancipation, au risque de la torture et de l’emprisonnement. Nous voilà devant un film écrit comme une forteresse au bénéfice de la liberté de pensée et d’agir dans le monde.

Radiohead
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le 18 janv. 2025

Modifiée

le 18 janv. 2025

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