Depuis la découverte du cinéaste et documentaliste que l'on nomme aussi "l'ethnologue du futur", Chris Marker collaborera avec Alain Resnais dans le documentaire "Les statues meurent aussi" en 1953. je n'ai pu m'empêcher de faire le lien au roman photo de science fiction "La Jetée" qui s'inspirera notamment de "Je t'aime je t'aime" et de "Vertigo" de Alfred Hitchcock.
J'ai été troublé et fasciné par ce que ce film inspire à travers l'histoire et sa fragmentation chronologique en y mêlant les souvenirs et la nostalgie ambiante. Par le passé ce film ne m'avait pas marqué mais quand un film vient à donner des réponse face à l'expérience sensible de la perte qu'elle soit amicale, amoureuse et/ou familiale, on ne peut que comprendre ce que le personnage ressent. On fait face alors à un sentiment d'empathie. 50 années se sont écoulées et la thématique du voyage dans le temps qui passe alors au second plan est métaphoriquement intemporel. Le sujet de la perte et du désir perdu souligne que le protagoniste après guérison depuis une tentative de suicide, cherche à explorer des moments qu'il a partagé avec sa compagne. Des moments d'une extrême banalité ou le quotidien est en proie à la solitude, mais aussi l'errance entre deux personnes qui s'aiment. On pourrait y voir un lien avec le cinéma de woody allen quand un homme dévoile ses pensées lors de ses escapades new-yorkaise. Sauf que nous sommes en Belgique, à Bruxelles et que cette ville est une ville plein de mélancolie. Des images viennent troubler l'esprit mélangeant rêves, souvenirs et réalité. Du coup pas loin d'une œuvre picturale surréaliste à la Magritte où l'inquiétante étrangeté Freudienne et au cœur de ce mindfuck pas loin d'avoir, je pense inspiré le blockbuster nolanien "Inception" où l'on y voit par la même occasion un protagoniste en proie à des questionnements existentiels sur le rapport à la réalité. L'actrice passant au second plan par la focalisation du désir de l'homme est très vite mise au premier plan en étant celle qui marque et fragilise le protagoniste, car elle en est finalement la cause. Chaque scène à son importance et on a l'impression de les vivre et revivre à chaque fois comme l'être désiré fantasmé après sa perte. Il y a une vulnérabilité chez l'être humain qui est en chacun de nous et ce film donne l'impression de le partager ce qui est pour moi très rare et difficile à exploiter dans le cinéma contemporain. Dans le film la jetée, Chris Marker s'inspirera de ce film comme un hommage en mettant la science-fiction comme Alain Resnais à un genre cinématographique et littéraire comme d'un prétexte à rentrer dans la psyché des personnages. Le voyage dans le temps est alors un voyage fantasmagorique inaccessible où l'on matérialise le temps qui de manière linéaire, s'inscrit dans le montage audio visuel du film. J'ai donc cette impression étrange que le cinéaste conscient du pouvoir médiatique visuel à cette époque pense à comment une œuvre préexiste à travers le temps et comment elle arrive à témoigner du vivant contrairement à la photographie comme le nomme Susan Sontag et Roland Barthes comme objet mélancolique, du "Punctum" en nommant le "ça a été" d'un détail se trouvant dans la photographie. La nature profonde d'une image, d'une histoire dans l'image et du temps qui se déroule sont alors impalpable et au milieu de tout ça, la conscience humaine d'un moment vécu et ressenti que l'on ne peut oublier au fil du temps. La plupart des scènes sont très picturales où l'on voit une lumière éclairant en clair obscure le personnage principale. SPOIL Comme référence le film dévoile à la fin trois peintures célèbres qui me font penser à trois tableaux emblémathique de la fin du XVIII "Lettre de Marat de Jacques Louis David et du XIXème siècle dont "le suicidé" de Edouard Manet et "l'homme blessé" de Gustave Courbet.