Camionneur viril et homosexuel, Krass fait la connaissance d'une serveuse de bar filiforme qui se morfond dans un coin perdu, sorte de no man's land évoquant l'Amérique profonde. Serge Gainsbourg cultive à dessein, par les décors et les personnages, sa musique parfois, ce caractère américain. Il y ajoute une atmosphère poisseuse et crasseuse, et la relation improbable, peut-être amoureuse, entre Krass et l'androgyne Johnny (Jane Birkin) se noue aux abords de décharges et d'immondices, paysages désenchanteurs dont Gainsbourg croit pouvoir extraire une forme de poésie accompagnant la bluette contre nature du couple.
Le décor installé, il reste à raconter une histoire et, là, Gainsbourg ne convainc guère. Abusé et séduit par la silhouette de Johnny, Krass n'en reste pas moins un homo inspiré par la sexualité qui est celle des gays...
L'initiation annoncée de l'héroïne, avec pour "sommet dramatique" et affecté son dépucelage au milieu du film
et la jalousie du compagnon de Krass ne constituent pas cependant une intrigue suffisante et intéressante. Le maniérisme de la réalisation, les personnages glauques et mal définis, les dialogues fumeux et volontiers scatologiques ont quelque chose d'un peu ridicule et ne subviennent pas à la vacuité du sujet. D'autant que cette apologie d'une certaine pratique sexuelle, agrémentée, si on peut dire, d'un érotisme soft, a perdu, depuis, son caractère scandaleux.
Il ne reste de cet essai étrange que l'identité particulière de son auteur, sa célèbre et langoureuse mélodie et la sensualité troublante de Jane Birkin.