Silences nus
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Quel sentiment étrange et pénétrant d’avoir vécu un rêve éveillé, suspendu dans les secondes du temps. Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre. C’est Chantal Akerman. C’est elle devant et derrière la caméra. C’est là devant nos yeux qu’elle dénude son corps, s’ennuie, écrit. Dans une petite chambre elle attend. Elle réfléchit, à l'amour. Elle écrit de longues lettres avec lesquelles elle tapisse le sol. Et c’est maintenant que je comprends. Le cinéma de Chantal Akerman, c’est une lettre au monde, à la nature, à l’amour, à moi, à toi, à lui et à elle. Les images sont des mots et leur montage, des phrases. Noires et blanches.
La caméra repousse les murs de cette minuscule pièce, pour des plans fixes contrastés, elle fait de la lumière et du décor des tableaux semblables à ceux d’Edward Hopper. Avec là une femme anonyme, le je immobile. Parfois sa voix discrète nous décrit une action que nous ne voyons pas, en ce sens, le film se déroule déjà à deux endroits : devant nos yeux et dans notre tête. C’est par ce moyen que les images monochromes se mettent à s’animer sur l’écran noir de nos rêves. Ou bien sommes-nous en train de migrer à l’intérieur de ce film que nous regardons ? Sommes-nous aspirés par le silence poétique des images lentes ? Il me semble que c’est tout cela, Je, tu, il, elle. C’est un tout qui vous enivre. Comme ce tableau que vous ne pouvez cesser d’observer, car il y a ce quelque chose que vous ne pouvez définir. Cette petite étincelle… qui devient lueur lors de la dernière séquence parfumée de saphisme.
Cette petite étincelle croît au fil des secondes, et m’obligera à vivre dans les images de ce film pour plusieurs semaines.
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le 24 mai 2018
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