L’intelligence de Je verrai toujours vos visages est celle du détour adopté comme poétique de reconstruction et de réconciliation avec autrui : l’enchâssement du récit principal, représentant une femme soucieuse de dialoguer avec son frère incestueux, et du récit que l’on pourrait qualifier de secondaire – en ce qu’il n’encadre pas le film – où coupables et victimes de délits similaires se retrouvent pour échanger, décline sous tous ses aspects la justice réparatrice. Il prouve d’ailleurs, par sa structure même, que la médiation par tiers interposé fonctionne puisque le long métrage l’applique en parti pris de mise en scène : l’alternance entre les deux récits demeure lisible, assurée par la rigueur de la réalisation ainsi que par la qualité de la direction des comédiens. La parole se situe au cœur, et plus encore que la parole la communication : verbale, non-verbale c’est-à-dire par le biais des silences et de la gestuelle, elle intègre aussi l’écoute attentive ou plus fuyante. Pourtant, une approche strictement documentaire – mais est-elle possible compte tenu de l’aspect confidentiel de ces rencontres ? – aurait évité cette impression de concours de talents où chaque acteur s’engage dans une quête de performance. Quant à la clausule, elle cède bêtement au happy end, simplifiant à outrance des enjeux et des caractères que la première heure avait su installer avec pudeur et complexité. Reste une œuvre forte et pédagogique.