Je suis obligé de reconnaître, qu'avant la sortie du film, j'ignorais totalement que ce qui est appelé "justice restaurative" existait. Jeanne Herry, avec Je verrai toujours vos visages, a le mérite de mettre en lumière cette pratique mettant face à face des victimes et des auteurs d'infractions, avec comme objectif, pour les premiers, d'aider à leur reconstruction, et pour les seconds, à comprendre les conséquences que leurs actes peuvent avoir sur le plan humain.
La réalisatrice, à partir de cet très bon argument scénaristique, prend le temps d'expliquer en quoi ce dispositif se doit d'être bien préparé, bien géré des mois à l'avance, car, autrement, il peut provoquer des effets complètement inverses de ceux voulus. Elle prend le temps aussi de présenter certains de celles et ceux sur lesquels vont peser la lourde responsabilité de le faire appliquer. D'ailleurs, une fois les présentations de ces personnes (salariées ou bénévoles !) faites, une fois que les rencontres entre victimes et criminels ont commencé, les quelques rares et courtes incursions dans leur vie hors cadre professionnelle n'étaient pas nécessaires (ou alors auraient dû être plus exploitées !). Au passage, autant, il est justifié que l'on voit peu le personnage incarné par Denis Podalydès, vu qu'il s'agit du patron, autant celui de Jean-Pierre Darroussin aurait pu apparaître plus longuement.
Les échanges entre les agresseurs et les agressés donnent lieu à une richesse et à une justesse psychologiques méritant d'être soulignées. Le jeu absolument parfait des interprètes achève de faire de ses séquences en huis clos des moments intenses et d'une belle portée émotionnelle. Ah oui, je précise que l'ensemble ne nous sort pas la culture de l'excuse. C'est même tout l'inverse.
Maintenant, il y a une chose qui m'emmerde doublement. Doublement parce que ça me semble en trop, mais, dans le même temps, c'est une histoire aussi forte que les autres réunies. Celles et ceux qui ont vu le film se doutent que je suis en train d'évoquer la partie, mise en parallèle, avec Adèle Exarchopoulos, assurant pleinement dans le rôle d'une femme victime de viols de la part de son grand frère lorsqu'elle était gamine, qui demande au personnage d'Élodie Bouchez (à la hauteur du reste de la distribution elle aussi !) de la confronter à son bourreau pour qu'elle puisse continuer de vivre au mieux. En fait, ce qui m'emmerde, c'est qu'il y avait la matière, en quantité bien suffisante, pour un autre long-métrage, séparé. Je sais que c'est autour de la même thématique, mais je ne peux pas m'empêcher d'y voir deux films regroupés en un seul. Je n'aurais rien eu contre une autre œuvre, indépendante, avec Adèle Exarchopoulos et Élodie Bouchez, intitulée Je verrai toujours ton visage.
Ouais, il y a deux films en un qui auraient dû être deux, des éléments autour de la vie hors boulot des professionnels qui auraient pu être approfondis ou, au contraire, supprimés (soit on y va à fond, soit on n'y va pas du tout !). À l'opposé, les acteurs, les personnages, la pratique mise en lumière font la puissance du tout (ça me fait réellement chier parce qu'au sein des défauts, il y a des qualités !). Bref, imparfait, malheureusement, mais digne du plus grand intérêt.