Certes, cette adaptation du roman de Marcel Pagnol est appliquée, on y retrouve certaines séquences-clés, de ce côté là, pas de problème. Le cadre provençal est en effet bien rendu, Claude Berri en fait un personnage à part entière, même si ce n'est pas non plus de la grande réalisation, mais au moins c'est bien cadré, on ne s'y se perd jamais. En même temps ce n'était pas bien difficile vu le nombre de personnages et lieux impliqués, mais voilà, il s'y dégage quelque chose de sympa, et si c'est plutôt classique de facture, ça vieillit plutôt bien, c'est bluffant de penser que c'est un film qui a plus de vingt ans.
Ce que je reprocherais plutôt au film de Claude Berri, c'est son manque de souffle et son interprétation inégale (l'imitation parfois forcée de l'accent marseillais n'aide pas). Daniel Auteuil m'a plutôt convaincu, relativement touchant en tant qu'Ugolin, un pauvre bougre de paysan qui rêve d'un projet à la mesure de sa petite intelligence, de même que Gérard Depardieu dans sa partition enthousiaste de Jean Florette, cet homme de la ville aspirant, naïvement, à s'implanter dans la région en s'appuyant sur sa vision scientifique des choses en sous-estimant la dureté du coin. J'ai par contre beaucoup plus de réserves envers la prestation de Yves Montand en tant que Papet, son jeu du petit tyran officieux et machiavélique de la région manque tout simplement d'étincelles. Sinon le reste du village n'existe tout simplement pas et fait partie de la toile de fond (mais en ayant vu la suite juste après, cette absence apparente prend tout son sens).
Et c'est bien là le défaut majeur que j'adresse à cette adaptation certes honnête et assez fidèle (les personnages sont quand même beaucoup moins fouillés que dans le bouquin), mais qui manque tout simplement de souffle et donc de rythme. Ainsi, au choc du dénouement logique et implacable après une première partie pleine d'espoir, on ne croit pas plus que ça à la soudaine amitié d'Ugolin avec le bossu, ce qui nuit à l'émotion de la séquence finale, et on retiendra surtout la stupéfaction de la jeune Manon à qui sera consacré le deuxième morceau du diptyque de cette guerre de l'eau. Ce n'est pas mauvais, loin de là, c'est même assez plaisant à suivre, mais on y perd quand même beaucoup en lyrisme et en rusticité authentique par rapport au bouquin malgré l'effort de reconstitution effectué (de l'imitation des accents à la mise en valeur du cadre).