Le film raconte cinq périodes de l'histoire d'amour entre Françoise et Jean-Marc, deux étudiants en fac de droit.
La critique concerne également Françoise ou la vie conjugale
André Cayatte a réussi un véritable tour de force cinématographique en proposant une même histoire à partir de deux points de vue divergents, les deux films étaient d'ailleurs sortis le même jours, afin de savoir de quel côté le public se situait.
C'est typiquement un projet qu'aurait pu faire la Nouvelle Vague, avec cette description de la jeunesse dans les années 1960, qui diffère de celle de leurs ainés, notamment par l'émancipation sexuelle. On dit que deux personnes peuvent avoir une vision différente de la même histoire, et La vie conjugale en est une vision à la fois réjouissante, mais parfois dure.
Jean-Marc, incarné par Nicolas Charrier, se veut psycho-rigide, froid, jaloux, carriériste au point de laisser sa femme s'occuper de leur fille. Tandis que Françoise, jouée par Marie-José Nat, est une femme indépendante qui souhaite s'émanciper, malgré son mariage et son enfant, et ne souhaite pas sacrifier sa carrière, et une certaine liberté sexuelle dont son mari va prendre ombrage.
L'autre défi des films est qu'en fait, ils ne se répondent pas par un bête jeu de champ/contre-champ, aucune scène ne semble identique, mais qu'ils se complètent, car des personnages n'apparaissent pas, ou à peine, certains dont l'importance est non négligeable comme Macha Méril ou Michel Subor sont écartés selon le montage. Mais une fois les deux films regardés, ce qui représente tout de même plus de 3 heures de visionnage, le puzzle se résout, et on apprécie d'autant plus le travail de montage effectué par Cayatte et son équipe, ce qui a d'ailleurs été un cauchemar logistique. Mais j'y vois dans ces films, surtout celui de Françoise, quelque chose de très moderne, où la liberté est le maitre-mot. A l'image de l'introduction du film consacré à la jeune femme, où on comprend qu'elle rencontre Jean-Marc à la suite d'un pari lancé par son amant, parce qu'elle ne veut pas coucher avec lui. Dans celui consacré au jeune homme, on comprend qu'il la rencontre dans une soirée, et que c'est une histoire d'amour qui démarre.
Dans la partie Françoise, on voit aussi victime par plusieurs fois d'agressions sexuelles, de la main posée sur la cuisse à la tentative de viol, jusqu'à cette phrase horrible que prononce Jean-Marc, à savoir que c'est elle qui a sûrement dû provoquer ces hommes... C'est tellement visionnaire sur la parole tue des femmes aujourd'hui encore.
Même si quelques détails de la narration semblent par moments évacués (quid de la petite fille ou de sa garde ?), les deux films, je dirais même ce diptyque, sont des témoignages formidables de la jeunesse française au début des années 1960, la peur de tomber enceinte alors que l'avortement était interdit, la femme qui commence à s'émanciper du joug marital... C'est vraiment formidable, et c'est peut-être ce qu'a fait de mieux André Cayatte.