Fabrice,terne employé de bureau,n'a qu'une passion dans la vie,son idole Johnny Hallyday.Mais à la suite d'un traumatisme crânien il se réveille dans une dimension parallèle où Johnny n'existe pas.Il se lance alors à la recherche de Jean-Philippe Smet et finit par tomber sur un vieux patron de bowling qui a raté le coche de la célébrité dans les années 60 et renoncé depuis longtemps à sa carrière musicale.Décidé à réparer ce destin manqué,Fabrice décide de coacher Johnny en lui apprenant "ses" chansons,qu'il connait par coeur.Le réalisateur Laurent Tuel,qui a rarement été convaincant,réussit un putain de miracle avec cette comédie fantastique aux airs de "Retour vers le futur" qu'il a coécrite avec Christophe Turpin,qui passera à la réalisation en 2012 avec "Sea,no sex and sun".C'est produit par le duo Olivier Delbosc-Marc Missonnier et la musique,en-dehors des chansons d'Hallyday,est l'oeuvre du très médiatique André Manoukian,qui a peu composé pour le cinéma.Cette idée de scénario est géniale,d'autant que le rocker a accepté d'endosser son propre rôle,sans qu'il s'agisse d'ailleurs vraiment de lui puisque c'est un Johnny très décalé qui aurait foiré sa vie et sa carrière.Tuel est pour le coup très inspiré et enchaîne sans répit des scènes jouissives qui recèlent toutes leur part d'humour ou d'émotion,avec quelques points culminants hilarants ou bouleversants,tout ça étant sous-tendu par une vraie réflexion sur le destin et le statut de fan.On a l'impression que pour Fabrice,ce type mal dans sa vie,dans son boulot,dans sa famille,le chanteur est la bouée de secours qui le maintient à la surface,et quand on le lui enlèvera il fera tout pour le remettre à sa place,plus pour lui-même au fond que pour Johnny.Et puis le film interroge le sort,les moments cruciaux qui font basculer une vie dans le bon ou le mauvais sens.Le jeune Smet aurait pu rater le train du succès pour une raison ou une autre,et il n'y aurait jamais eu de Johnny,la place aurait été prise par quelqu'un d'autre,la nature ayant horreur du vide.C'est ce que théorise le film,qui invente le portrait d'un Hallyday démotivé et désabusé,qui se contente tranquillement de sa vie peinarde de banlieusard ordinaire et n'est pas très content au début de voir arriver ce cinglé débarqué soi-disant d'une autre dimension qui l'oblige à sortir de sa torpeur et à remonter sur scène en prétendant qu'il est une star dans un autre monde.Le film est traversé d'intenses moments de rigolade dus au personnage déjanté de Fabrice et de jolis instants de grâce quand Johnny retrouve ses automatismes enfouis et entonne "Quelque chose de Tennessee" sur une plage ou "Allumez le feu" au Stade de France,final magique lors duquel Tuel multiplie les points de vue et va cueillir alternativement les différents protagonistes en divers endroits pendant que Jean-Philippe incendie la scène.Evidemment il y a quelques facilités,le prétexte qui fait capoter la carrière du chanteur n'est pas crédible,pas plus que l'indifférence qu'il suscite quand son admirateur tente de le remettre en selle.Parce que le talent du mec saute aux oreilles quand même,on fait tout de suite la différence avec un interprète de karaoké.Tout est là,la voix,la puissance,la justesse,le charisme,la qualité des chansons,difficile de ne pas le voir.Bien sûr tout repose sur l'efficacité du duo d'acteurs,et on n'est pas déçu.Fabrice Luchini est tout bonnement extraordinaire en fan ultime que rien n'arrête et son jeu précis et subtil arrache toutes les séquences,Hallyday n'étant pas en reste dans un savoureux numéro d'auto-dérision.Il s'amuse de son âge,de sa fatigue,pour incarner ce raté magnifique se voyant offrir une nouvelle chance totalement inespérée.Les deux monstres phagocytent l'écran mais les acteurs de complément sont fameux et bien choisis.Guilaine Londez et Caroline Cellier sont les épouses des deux zigotos,Antoine Duléry est le concurrent fielleux et arrogant de Johnny,Barbara Schulz est son incandescente jeune maîtresse opportunément baptisée Gabrielle,et surgissent ça et là Jackie Berroyer en prof de physique,Christian Pereira en collègue médisant,Carlo Nell,dans un de ses derniers rôles,en pilier de bar,François Toumarkine en clochard,Jacky Nercessian en instituteur,le volumineux Dominique Thomas,le commissaire stupide des "Petits meurtres d'Agatha Christie",en technicien de scène,plus des caméos de Laeticia Hallyday,l'épouse de la star,et Jean-Claude Camus,son producteur,et l'apparition de Benoît Poelvoorde en Bernard Frédéric,le personnage qu'il campait deux ans plus tôt dans "Podium",déjà produit par Delbosc et Missonnier.